Nous avons eu la chance de rencontrer un homme dont la vie est presque entièrement consacrée à la musique. De l’adolescent DJ hip hop, à OYE Records, son magasin de disques berlinois maintenant classé parmi les dix meilleurs d’Allemagne, éclectisme est un terme qui correspond bien à Markus Lindner. Entre des disques allant du jazz à la techno, nous nous sommes assis dans OYE avec Delfonic.

Comment tout a commencé ? La seule biographie que j’ai trouvée fait référence à un début dramatique.

Haha, maintenant que tu le signales, j’ai une nouvelle biographie, donc je vais la changer. Sinon pour « comment tout a commencé », j’ai d’abord étudié la musique classique dans une école pour garçons. Les différents genres de musique comme la pop m’ont influencés tardivement. D’une manière très “DIY”, j’ai commencé à m’amuser avec des cassettes et des cds, avant d’acheter des disques, et de finalement être DJ dans les soirées de mon école. Là, j’ai juste eu cette sensation, comme lorsqu’on se dit : “Ah, mais je suis plutôt bon à ça”.

Tu as donc un gros bagage musical, cela m’amène à me demander pourquoi tu n’as pas encore beaucoup produit ?

La plupart du temps lorsque je produis, c’est pour la publicité, et car cela paie. J’ai fait quelques autres morceaux qui ne sont pas sortis, et je fais aussi des edits pour moi-même. Mais entre travailler ici plusieurs fois par semaine, être DJ, chercher des nouveaux sons, au bout du compte il ne reste plus beaucoup de temps pour la production.

Tiens justement, entre organiser des soirées, le shop, la radio, être DJ, je me demandais : « quand est-ce qu’il s’arrête ? ». Sinon, tu aimes travailler dans le milieu de la pub ?

C’est dur. Lorsque tu parles de musique avec ces gens, c’est entièrement différent. Leur expliquer comment la musique fonctionne, les émotions, c’est assez rude. Une fois nous avons eu une réunion sur les musiques urbaines, ce fut un cauchemar. J’ai montré le meilleur de la scène underground en leur disant : « avec ça vous serez en avance sur tout le monde ». Mais non, il faut toujours reculer de deux pas. Au final, c’est “pay the cost to be the boss”; on doit satisfaire le client, même si j’essaie toujours d’amener des éléments contemporains. Cela peut aussi être douloureux, on doit parfois travailler des heures sur 2 secondes.

Tout à l’heure, quelqu’un est spontanément venu me dire: “C’est mon disquaire préféré, et à chaque fois que je viens à Berlin, je viens ici”. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a juste répondu qu’il se sent bien ici. Je trouve aussi ce lieu agréable, était-ce voulu ?

Absolument, en fait j’ai toujours été un gros client de magasin de disques. Je remarquais souvent que je me sentais mal à l’aise, que je n’étais pas vraiment le bienvenu. J’avais décidé, si jamais un jour j’en avais un, de le faire complètement différent : tout le monde est le bienvenu, pas de questions stupides, et pouvoir écouter les disques aussi longtemps qu’on le souhaite.

En résumé: « nous partageons une passion, donc nous devrions nous entendre ».

Exactement, et l’humeur influence directement la qualité de la musique. Si vous n’êtes pas heureux, vous ne la ressentez pas de la même façon. Le plus important pour nous est lorsque quelqu’un sort d’ici, il se dise : “J’ai passé un bon moment chez le disquaire”.

Je t’ai entendu dire dans une interview cette phrase intéressante, “Je joue la musique d’autres”. Cela m’a évoqué un DJ qui m’a un jour déclaré ressentir les morceaux qu’il joue comme les siens.

Je pense que nous avons tout les deux raison. C’est une question de timing, on peut rendre un track génial ou horrible. Mais je garde toujours en tête que je présente la musique d’autres dans mes sets. En gros, cela signifie qu’il ne faut pas se prendre trop au sérieux, et ici je pense à ces DJs rémunérés avec des cachets massifs. La plupart du travail se passe chez soi à sélectionner la musique. Dans mon cas, en général j’ai en tête le premier disque et le dernier, entre les deux c’est un voyage avec le public. Lorsque je vais en club, je ne suis pas fan des attentes, je préfère les surprises.

Intéressant, lorsque j’ai écouté le podcast j’ai été vraiment surpris par le nombre d’éléments distincts qu’il contient. Tu viens juste de mentionner l’improvisation, que se passe-t-il dans le cas d’un podcast ?

C’est totalement différent, pour moi faire un mix à la maison est vraiment difficile. Comme je viens de l’expliquer, dans un club je commence avec quelque chose avant d’aller ailleurs, tout en essayant de jouer des sets éclectiques. Pour ce mix, j’ai planifié de jouer des tracks que j’aime, et d’ensuite les lier afin de composer une sorte de tableau. Sur le papier, c’est un peu du genre “Hmm est-ce que tout cela fonctionne bien ensemble”, mais j’adore la deep house, le jazz, la bass music…. Je pense qu’on peut écouter ce mix et être toujours surpris, et cela de manière non négative.

La prochaine étape pour Delfonic ?

Aujourd’hui, je suis vraiment heureux avec OYE Records. Je veux toujours aller plus loin, donc nous allons continuer à organiser des nouveaux trucs, et essayer d’être toujours plus professionnels. En ce qui concerne ma carrière de DJ, j’aimerais peut-être plus de dates à l’étranger.

  We had the chance to meet a man whose life is almost entirely dedicated to music. From a teenage beginning as a hip hop DJ, to OYE Records in Berlin, his record shop now ranked among the 10 best in Germany; eclecticism is a notion that stands out with Markus Lindner. Between records ranging from Jazz to Techno, we sat in OYE with Delfonic.

How did it all start? The only biography I found referred to a dramatic debut.

Haha, now that you mention it, I have a new biography so I’ll update it. As for how it started, I studied classical music in an all boy music school. Different music genres such as pop influenced me later. In a very old school and “DIY” way, I first dabbled with cassettes and CDs before buying records, and eventually DJing in school parties. There, I basically got this feeling when you are like : “oh but I am pretty good at this”.

So you have a strong musical background, that makes me wonder why you haven’t produced much yet?

Well, most of the time when I produce, it is for advertisement spots, because you get paid. I have done a few other tracks which are unreleased, and I also do edits for myself. You know with working here a few days a week, DJing, digging for new music, at the end there isn’t much time left for proper production…

Actually, that is something I was planning to ask you. Between organizing parties, your shop, DJing, radio… I was asking myself when does he stop. Anyway, do you enjoy working for advertising?

It is hard. When you talk about music with those people, it is entirely different. Explaining them how music works, the emotions, that is a rough job. Once we had a meeting about urban music, and it was a nightmare. I showed them the best stuff going on in the underground scene, and told them with that you’ll be ahead. But no, you always have to take two steps back. Ultimately, it is “pay the cost to be the boss”, you have to satisfy the customer, even if I always try to bring in some contemporary elements. It can also be painful, sometimes you work on 2 seconds for hours.

Earlier, someone spontaneously told me : “this is my favorite record shop and every time I come to Berlin, I come here”, when I asked him why, he just answered he feels good here. I also find this place very cosy, was it intended?

Definitely, I was always a heavy customer of record stores. I noticed often that I felt uncomfortable, not very welcome. My idea was if I ever have one, I want it totally different: everybody is welcome, no stupid questions, and you can listen to records all the time for as long as you want.

A bit like: we share something, so we should get along.

Exactly, and the mood directly influences the quality of the music. If you are unhappy you don’t feel it the same way. The most important thing for us is that people leave here thinking: “I spent quality time at the record shop”.

I heard you say in an interview that interesting statement, “I play the music of others”. It made me remember a DJ who once told me that the tracks you play feel like your own.

I think we are both right. It is a question of timing, you can make a track sound great or awful. But I always keep in mind that I am presenting the music of others in my sets. Bottom line is do not take yourself too seriously, and here I am thinking of those DJs paid massive fees. Most of the work is to select the music home. In my case, I usually have in mind the first and the last record, in between is a journey with the audience. When I go to a club, I am not a fan of expectations, I prefer surprises.

Well, when I first listened to the podcast, I was really surprised because there are so many different things in it. You just mentioned improvisation, what happens in the case of a podcast?

It is totally different, to do a mix at home is really hard for me. As I explained, in a club I start with something before going somewhere else, while I always try to play eclectic sets. For this podcast, I planned to play tracks I like, bring them together so that they make a whole picture. On paper, it is a bit like “hmm does that really fit together”, but I love deep house, jazz, bass music… I think you can listen to this mix and always be surprised in a way that isn’t negative.

What’s next for Delfonic?

I am really happy right now with OYE Records. I always want to take things further, so we’ll keep doing new things and try to be more professional. As for my DJ career, more bookings abroad would be nice.

Artist: Delfonic | Episode: 125 | Labels: OYE Records | Info and download here.

Christophe