Nous avons rencontré Hubble juste après sa première date au Berghain et avant une apparition au Japon pour le festival Rural. « Là où je joue au Japon, il n’y a pas de distractions, les gens viennent pour t’écouter ». Une expérience similaire au Berghain, où il a pris conscience de la concentration de la foule vers la fin de son live set, pour un « moment très émotionnel ». Actif depuis 2007, il a quitté l’Italie pour Berlin, à la recherche d’inspiration et d’artistes avec lesquels il pourrait partager ses expériences.
Rien ne semble calculé de sa part, il n’y pas de plan, pas d’agenda caché, « lorsqu’il y a une connexion avec quelqu’un, je veux en savoir plus, en savoir plus sur sa musique ». Accompagné de ses loops hypnotiques, c’est sur le label Sleep Is Commercial qu’il a trouvé un refuge qui lui donne une « liberté complète ».

Qu’est-ce que vous vouliez dire lorsque vous avez déclaré que vous n’étiez pas un artiste, mais plutôt un conteur ?

Ce sont des amis qui l’ont écrit, ce n’est pas ma propre définition. Lorsqu’on produit, on se retrouve transparent, on ne peut pas cacher ce que l’on est. Je m’exprime juste avec la musique, c’est un langage universel. Ma sélection provient de mes expériences, des gens autour de moi. Cela vient du cœur. Parfois j’ai une période heureuse dans ma vie, et une attitude complètement différente dans ma musique.

Votre son évolue donc constamment en rapport avec votre humeur ou vos émotions.
Beaucoup d’artistes jouent une musique très mélancolique alors que ce sont des personnes très positives. La musique va montrer quelque chose parfois enfui profondément en nous, ce que nous montrons n’est pas toujours ce que nous ressentons.

Vous semblez vous focaliser sur la création d’atmosphères, comme sur votre album Reverse Utopia par exemple. Vous avez des processus particuliers lorsque vous produisez ?

Je suis mon instinct. Parfois je crée sept morceaux en une semaine, parfois rien pendant des mois. Mais je travaille en permanence avec la musique, coupant des loops, écoutant du jazz ou de la techno. J’aime sampler des genres différents, et j’adore rechercher de la musique traditionnelle. Je suis influencé par mes amis et les disquaires. Maintenant nous avons le monde digital qui est très actif. Je trouve de plus en plus dur de trouver de la musique physiquement disponible, les gens achètent leurs disques sur internet… J’ai la chance de vivre à Berlin et de partager ma vie avec des DJs et musiciens.

C’est donc important d’avoir quelque chose de tangible ?

J’ai grandi avec tout cela. Je trouve important le contact physique. Aujourd’hui on découvre les artistes sur internet. Notre temps est contraint par les obligations de première nécessité. La musique est mon urgence primaire avec tous les bons et mauvais côtés que cela implique.

Votre musique peut parfois être très abstraite. Devez-vous vous adapter en club ?

Je me sens chez moi dans un club. Si je ne me sens pas bien, c’est que je n’aime pas la musique, je quitte alors le club.

Est-ce que tous vos disques sont uniquement distribués en édition limitée ?

Oui, mais l’idée n’était pas de faire quelque chose d’exclusif. C’est une mauvaise interprétation que des collègues et amis ont eu à propos de mon travail. C’était une démarche humble, sortir 300 disques afin que ce soit assez pour couvrir les frais. Nous avons réédité plusieurs disques car ils étaient vendus sur Discogs à des prix très élevés. Je pense que si l’on collectionne, la valeur économique n’a pas d’importance, ce qui compte c’est la qualité. Par contre j’ai choisi de ne faire que des sorties vinyles car je crois que le digital devrait-être gratuit. Mais le médium m’importe peu, ce sont les sentiments qu’on met qui comptent.

Vous travaillez sur quoi en ce moment ?

Je vais commencer mon propre label après l’été. Pour être en phase avec ce que je fais, je dois aussi sortir des trucs moi-même. Sinon je travaille en tant qu’EEBB avec Pheek (Archipel) sur un album. Il est parfaitement à l’opposé de moi, il soigne énormément le sound design. Un peu comme le noir et le blanc : je suis assez sale, j’utilise beaucoup de distorsion et de résonance. Ce que j’arrive à exprimer est une atmosphère, un sentiment, pas vraiment mes qualités techniques. J’aime travailler seul, mais les collaborations nous font nous sentir en vie. C’est toujours très énergétique, mais rare. On doit recevoir des influences, et donner la nôtre.

Pour finir, vous avez quel genre de studio ?

Je travaille beaucoup chez moi ; j’utilise le studio d’amis pour enregistrer des trucs et les mettre dans Ableton afin de pouvoir travailler moi-même. À présent beaucoup de jeunes producteurs pensent qu’il faut du hardware pour produire. C’est une erreur, on n’a pas besoin d’un studio de malade. J’aime travailler avec des machines, mais je ne serais pas ici si Ableton n’existait pas.

Facebook & Sleep Is Commercial
Photos de P.Schnurr

We caught Hubble just after his first gig in Berghain and before an upcoming appearance in Japan at the Rural festival. “Where I play in Japan, usually there is no distractions, people come to listen.” He experienced something similar in Berghain, when he saw at the end of his live set how people were extremely focused, “it was very emotional.”
Active since 2007, Hubble moved from Italy to Berlin looking for inspiration and like-minded people. Nothing seems to be calculated in his case, no scheme or hidden agenda. “I connect to people and want to know about them or their music”. And with his hypnotic loops, it is on Sleep Is Commercial that he found a home which gives him “100% complete freedom.”

What did you mean when you said that you are not an artist but a story-teller?

This was written by friends, it is not my own definition. When you produce, you are completely transparent, you cannot hide who you are. I feel I am just expressing myself with music, it is a universal language. My music selection stems from my experiences and from the people around me. It comes from the heart. Sometimes I have a happy moment in my life, and I can have a totally different attitude in my music.

So your music is constantly evolving depending on your mood or your emotions?

A lot of artists and musicians play very melancholic music, but they are very positive and happy people. Music shows something very deep inside us, and what we show externally is not always what you feel inside.

You seem to focus a lot on creating atmospheres, like on your album Reverse Utopia. Do you have any kind of processes when you are producing?

I follow my instinct. Sometimes in a week I can do 7 tracks, sometimes nothing for months. But I am working with music almost 24 hours a day, cutting loops, listening music from jazz to techno. I like to sample different kind of musicians and I love to search for traditional music. My influences come from friends or record shops. Now we also have Facebook and all this internet world that is very active. It is very hard to physically find the music, people buy records on the internet. I have the luck to live in Berlin and share my life with DJs and musicians.

So it is important for you to have something tangible and not only a file?

I grew up with it. I think it is very important to have a physical contact. Today people know artists through the internet. Our time is compressed to our primary necessities. Music is my primary necessity with all the bad and beautiful moments it implies.

Your music can be quite abstract and challenging. Do you have to adapt when you play in a club?

I feel at home when I am in a club. When I feel uncomfortable it is only when I don’t like the music, then I leave the club.

Are your records really only printed in limited editions?

Yes but the idea behind limited was not to make something exclusive. This was the wrong interpretation that some colleagues had about my work. It was something very humble, 300 copies so it is enough to pay for the record. We repressed some stuff because they were selling it on Discogs for very high prices. I feel that when you are a collector, the economical value is not important, what matters is the quality. I also chose to release only on vinyls because I believe that digital stuff should be for free. But the medium does not really matter, it is the feelings you put into it.

What are your ongoing projects?

I will start my own label after the summer because to be contemporary with what I am doing, I also have to release it on my own. I am also working on a album with Pheek (Archipel) as EEBB. He is my polar opposite, very fixed on sound design. When we are together it is like black and white mixing together. I do something very dirty and distorted with a lot of resonance. What I get to express is one atmosphere, one feeling, not really my technical skills. I love to work on my own, but collaborations make us feel alive and go on. It is always very energetic, but rare. We need to get influences and give ours.

What kind of studio do you have?

I work a lot from home and I use the studio of close friends, I record stuff and I put it in Ableton so I can work on my own. Now is a time where many young producers think that you need this hardware for producing. It is a mistake, we don’t need crazy studios or machines to release our music. I love to work with machines, but I would not be here if Ableton didn’t exist.

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Photos by P.Schnurr