Alors que son label Helena a fêté sa deuxième sortie fin octobre, Gonçalo Alves Costa aka Gonçalo a bien voulu échanger avec nous pour présenter ses différents projets et parler des musiques électroniques au Portugal. Gérant de label donc, mais aussi DJ, promoteur et créateur des podcasts Salão Ático, il fait partie des personnes qui ravivent la scène locale et nationale ces derniers mois. Petit focus à propos d’un grand passionné.

Salut Gonçalo, comment vas-tu ?

Ça va bien, merci !

Tu portes différents projets (DJ, émission radio, label), notamment à Porto. Comment et pourquoi t’es tu lancé dans tout ça ?

Le déclic, c’est quand je me suis vraiment mis au DJing. Il y a encore 2-3 ans, je ne faisais pas grand-chose, je ne mixais pas souvent. Mais plus je regardais ma collection de disques, plus je réalisais qu’aucun club n’invitait ce genre d’artistes au Portugal. J’ai donc simplement voulu montrer aux gens qu’il y avait d’autres styles de musiques que ce qui est à la mode. Depuis maintenant 2 ans, je suis résident au Café au Lait, un bar de Porto, et les gens commencent à nous suivre, à venir à nos soirées… En 2014, j’ai lancé une émission radio mensuelle, Salão Ático, pour valoriser des genres de musique différents. Et mon label Helena, à l’univers entièrement analogique, est né cette année.

Concernant Salão Ático, quelle était ton idée au départ ?

L’émission était diffusée d’un bar ou d’un club à Porto à la base, ce qui permettait aux gens de venir pendant l’enregistrement du podcast, et ainsi de faire partie de l’expérience live. Ça se concentre sur la House et la Techno, mais de façon très ouverte. Il y a tellement de sous-styles, sous-genres, que chaque chose peut paraître très différente. Par exemple, le podcast de Fred P n’a rien à voir avec celui de Steven Tang. Mon idée est la suivante : je les invite et ils peuvent faire ce qu’ils veulent, House ou Techno, vieux ou récent.

Peux tu nous parler un peu plus d’Helena ?

C’est un projet très personnel, j’ai rassemblé tout ce que j’avais afin de pouvoir lancer cet investissement que représente la création d’un label. Le premier EP fut signé par Hinode et le deuxième vient de sortir, produit par Ephemeral, un producteur des Midlands (Angleterre). Mon objectif est de sortir un maximum de musique analogique. Je sais que ça sera difficile, mais j’ai une quinzaine de noms en tête, des artistes que j’ai toujours aimé. Je m’occupe de l’univers graphique du label (Gonçalo est designer graphique), qui est surtout constitué de photos d’endroits anciens, de lieux abandonnés à Porto.

Comment s’est passé le lancement ? As-tu eu de bons retours ?

Le premier EP est épuisé, tous les exemplaires sont partis très vite, même après avoir été repressé. C’est un très bon début, je ne m’attendais pas à ça. Par contre, ici au Portugal, il y a encore peu d’engouement concernant la House et la Techno Underground. Un gros travail de promotion est nécessaire, et étant quelqu’un d’un naturel discret, ça complique les choses. Mais évidemment, avec la création du label, les gens autour de moi commencent à me regarder d’un œil différent. Malgré les difficultés que je peux rencontrer ici, j’ai vraiment hâte d’avancer.

Tu dis qu’il n’y a pas encore de véritable engouement au Portugal concernant les musiques électroniques. Peux-tu nous justement nous parler de la scène portugaise ?

C’est assez compliqué ici au Portugal, même si des gens se bougent. En terme de lieu, à Porto, on a eu des bons clubs, avec des programmations où tous les styles étaient représentés (Drum’n’Bass, Funk, House and Techno) et des bons sound-system, mais beaucoup ont fermé ces dernières années. Maintenant il y a surtout Gare Porto, l’un des plus connus. C’est plus orienté Techno, mais c’est un endroit incroyable où jouer. Les gens sont vraiment dedans, à fond. Je peux te dire que tu n’oublies pas ta première fois là-bas en tant que DJ. On a aussi Plano B en centre ville, qui est un club vraiment underground. Le dancefloor est vraiment efficace, et la programmation est excellente.
A Lisbonne, Il y a évidemment le Lux Fragil, qui est le club le plus connu, et également le Ministerium ou l’Europa. Tu as aussi des soirées hors des clubs, comme la Fomo, qui a débuté cet été avec Kosme, Christopher Rau, XDB. Il y a aussi un très bon disquaire, Carpet and Snares, géré par des amis à moi Joao Maria, Jorge Caiado et Ze Salvador. Ils organisent aussi des soirées, et notamment un open-air dans un endroit vraiment spécial, le Miradouro de Alcantra.

Gonçalo

Après ce qui est cool en ce moment au Portugal, c’est que les gens qui vivent en dehors des grandes agglomérations se bougent et créent leurs évènements. Ils ne programment pas forcément des grands noms internationaux, mais ce qu’ils proposent est vraiment cool, en dehors des grands centres urbains, avec des artistes portugais, etc. C’est des projets vraiment intéressants et ça contribue à développer la scène au niveau national.

Des producteurs, des labels à surveiller ?

Les producteurs portugais les plus connus sont IVVVO, Trikk, Violet, & Photonz, mais ils sont maintenant basés à l’étranger (Londres).

Il y a quelques labels qui sont clairement identifiés dans la scène. Il y a Assemble Music, géré par Joao Maria à Lisbonne, l’un des labels portugais les plus productifs, avec des artistes comme Daze Maxim, Vera, St Joseph, Ricardo Villalobos, Voigtmann, etc. Photonz possède le label One Eyed Jacks. Tu as aussi des labels avec uniquement des producteurs portuguais, comme Groovement, qui vient de fêter ses 10 ans, ou encore Extended Records.

Et puis il y a d’autres projets plus petits. A Porto, tu as Terrain Ahead, géré par Tiago Carneiro aka Solution, qui a un style instrumental, davantage techno. Et Pluie Noire, qui est également un très bon label avec des sorties très spéciales, pas seulement en terme de musique mais également pour les visuels.
Cependant, tous ces labels et producteurs ont plus de succès à l’extérieur du Portugal, et je pense que c’est important de le mentionner. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Peut être que les clubs ne programment pas assez dans ce sens, ou qu’il n’y a pas une bonne promotion des artistes et des disques. Par exemple, Il n’y a jamais de label night.

Une scène musicale se développe grâce à un réseau d’acteurs diversifiés et complémentaires : des disquaires, des médias, des lieux, des producteurs, des labels… Peut être qu’il manque quelque chose pour développer cette synergie à Porto, au Portugal ?

Peut être en termes de médias. Il n’y quasiment rien en terme de musiques électroniques. Je me souviens il y a quelques années, il y avait des magazines sur les musiques électroniques, faits par des portugais. Mais c’était vraiment, vraiment catastrophique… ça parlait juste de House commerciale, tu n’as pas idée…  alors oui, le problème vient peut-être en partie de l’éducation musicale du public. Malgré le fait que les clubs soient assez ouverts d’esprit en termes de programmation, je pense qu’il nous faudrait de nouveaux endroits, de nouveaux collectifs, davantage de disquaires, qui soient vraiment orientés House et Techno. Par exemple à Porto, il n’y a qu’un seul disquaire. Il est plutôt large dans les styles représentés, mais pas forcément focalisé sur les musiques électroniques.

Gonçalo

Parlons un peu de toi, de ta propre expérimentation des musiques électroniques. Comment es-tu tombé là-dedans ?

J’ai toujours eu de bonnes connexions avec la musique. Mon Père était fan de Jazz, il mettait toujours de la musique à la maison. Ma mère travaillait dans le monde du théâtre, elle était donc très ouverte d’esprit en termes d’arts et de culture. Mais ça a réellement commencé pendant les années 2000, lorsque je trainais au Trintaeum, un club très connu à Porto (ouvert de 1995 à 2011). Le gérant ramenait toujours des gros noms, comme par exemple les fondateurs d’Innervisions, Dixon & Âme, mais aussi Théo Parrish, Pepe Bradock, Moodymann, Carl Craig, etc… C’était un endroit tout petit, peut-être 200 personnes en capacité. J’ai été barman chez eux, puis j’ai réussi à convaincre le gérant de me confier quelques warm-up, et j’ai fini par être résident. Et évidemment, il y a le Café au Lait, où je suis résident actuellement. Ce n’est pas un club, avec toutes les règles de sécurité à appliquer. C’est un petit bar, avec peu de budget, mais une programmation très ouverte d’esprit en terme de musiques : des soirées Funk, Disco, Hip-hop, House, des concerts aussi… J’ai l’habitude de trainer là bas et j’ai toujours passé de bonnes soirées. Ce lieu a joué un rôle clé dans mon éducation musicale.

Dernière question, peux-tu nous dire qui est Helena ?

C’est vraiment spécial. Helena était le nom de ma grand-mère. Je ne l’ai jamais rencontrée, mais tout le monde m’a dit qu’elle était une personne formidable.

Merci à Gonçalo pour l’interview et à James aka Tanganyika pour l’aide à la traduction en anglais.

Interview de l’émission Stick to the Groove (Lény Richard et Théo Lorenzi)

While his label, Helena, has released his second EP at the end of October, Gonçalo kindly accepted our invitation to discuss his various projects and his general thoughts about electronic music in Portugal. Label manager first, but also DJ, promoter and founder of the Salão Ático podcasts, he’s part of a group who contributes to the revival of the local and national scene in recent months. We got the chance to pick the brains of the big fan.

Hi Gonçalo, how are you?

Fine, thank you!

You run various projects (DJ, radio show, label), particularly in Porto. Tell us how and why everything started?

I think the trigger has been the time when I really put myself into DJing. Still 2 or 3 years ago, I wasn’t doing that much stuff, I wasn’t playing very often in bars or clubs. But the more I was looking at my record collection, the more I realized that none of these artists were playing in Portugal. So I just wanted to show people that there were other styles of music than what was fashionable. For 2 years now, I am resident DJ at the Café au Lait, a bar in Porto, and some people are starting to follow us, to come to our parties. In 2014, I’ve launched a monthly radio show, called “Salão Ático”, to promote different musical genres. And my label Helena, with a fully analog universe, was born back in January.

Regarding Salão Ático, what was your vision at the beginning?

The show was broadcasted from a bar or club in Porto, which allowed people to come during the recording of the podcast, and so to be part of the live experience. It focuses on House and Techno, but in a very open manner. There are so many sub-styles, sub-genres, the result can be different each time. For example, Fred P’s podcast has nothing to do with Steven Tang’s one. My idea is this: I invite them and they can do what they want, House or Techno, old or new stuff.
Can you tell us a little more about Helena?

This is a very personal project, I gathered everything I had in order to launch such an investment. The first EP was signed by Hinode and the second one by Ephemeral (a producer from the Midlands) has just been pressed. My goal is to release a maximum of analogic music. I know it will be difficult, but I have a couple of names in mind, of artists that I’ve always loved. I also make the whole graphic universe (he is a graphic designer), which is mostly made up of pictures of former and abandoned places in Porto.

What was the response at the start? Did you receive good feedback?

The first EP is sold out, all copies left very quickly, even after a repress. This is a very good start, I wasn’t expecting that. But here in Portugal, there is still a lack of enthusiasm regarding underground House and Techno. A big promotional work is needed, and as I am someone naturally discreet, it complicates things. But of course, with the creation of the label, people around are starting to look at me with different eyes. Despite the difficulties I meet here, I cannot wait to move forward.

You mentioned that there is a growing enthusiasm in Portugal for electronic music. Can you tell us about the Portuguese scene?

It is quite complicated here in Portugal, even if some people are involved in nice projects. In terms of location, in Porto, we had some good clubs, with nice programing, all the styles represented (Drum’n’Bass, Funk, House and Techno) and good sound-system, but many have closed in recent years. Now there is above all Gare Porto, one of the best known. It is more oriented Techno, but it’s an amazing place to play. People are really into it, thoroughly. I can tell you that you do not forget your first time there as a DJ. There’s also Plano B downtown, which is a truly underground club. The dancefloor is really effective, and programming is excellent.
In Lisbon, there is obviously Lux Fragil, which is the most famous club, and also Ministerium or Europa. You also have events outside of the clubs, like Fomo, which started this summer with Kosme, Christopher Rau, XDB. There is also a very good record store, Carpet and Snares, run by friends of mine Joao Maria, Jorge Caiado and Ze Salvador. They also organize parties, especially an open-air called Wrong, which is held in a very special place, the Miradouro de Alcantra.

Gonçalo

Then again, what is really cool right now in Portugal, it is that the people who live outside large cities get involved by creating their events. They do not necessarily book big (international) names, but what they offer is really cool, outside major urban centers, with Portuguese artists, etc. These are really interesting projects and it helps to develop the stage at a national level.

Producers and labels to watch?

The best-known Portuguese producers are IVVVO, Trikk, Violet, & Photonz, but they are now based abroad (in London).

There is a few labels that are clearly identified in the scene. There is Assemble Music, managed by Joao Maria in Lisbon, one of the most productive Portuguese labels, with artists like Daze Maxim, Vera, St Joseph, Ricardo Villalobos, Voigtmann, etc. Photonz owns the label One Eyed Jacks. There are also some labels with only Portuguese producers, like Groovement, which has just celebrated its 10 years anniversary, or Extended Records.

And then there are other smaller projects. In Porto, there is Terrain Ahead, managed by Tiago Carneiro aka Solution, which has a very instrumental style, more techno. And Pluie Noire, which is also a very good label, very special, not only in terms of music but also visuals.
However, I think all of these labels and producers have more success outside of Portugal, and I think it is important to mention that. I do not really know why. Perhaps the clubs do not work enough in this direction or maybe there is not a good promotion of artists and discs. For example, there is never any label night.

A musical scene’s dynamics grow through a network of diversified individuals and like-minded collaborators: record stores, media, places, producers, labels … maybe something is missing to bring this synergy in Porto, in Portugal?

Maybe in terms of media. There is almost nothing in terms of electronic music. I remember a few years ago, there were magazines on electronic music, made by Portuguese people. But it was really, really awful… it was articles about commercial House, you have no idea … then yes, the problem might be from this lack of musical education towards the public. Despite the fact that clubs are open minded in terms of programming, I think we need new places, new collectives, and more record stores that are truly oriented house and techno. For example in Porto, there is only one store. All the styles are represented, but it’s not necessarily focused on electronic music.

Gonçalo

Let’s talk about you, of your own experimentation with electronic music. How did you fall into it?

I’ve always had good connections with the music. My father was a Jazz fan, he always put music at home. My mother worked in the theater world, so she was very open-minded in terms of arts and culture. But it really began during the 2000s, when I was hanging at Trintaeum, a well-known club in Porto (opened from 1995 to 2011). The manager always brought big names, such as the founders of Innervisions, Dixon & Ame, and also Theo Parrish, Pepe Bradock, Moodymann, Carl Craig, etc … It was a very small place, maybe 200 people capacity. I was working at the bar, and then I managed to convince the manager to give me a few warm-ups, and I ended up being a resident. And of course, there is the Café au Lait, where I’m currently resident. This is not a club with all the safety rules to be applied. It is a small bar, with little budget, but a very open-minded programming in terms of music: Funk, Disco, Hip Hop, House Nights, concerts… I also used to hang out there and I’ve always spent good moments. This place has played a key role in my musical education.

Last question, can you tell us who is Helena?

This is special. Helena was my Grandmother’s name. I’ve never met her, but everyone told me she was a great person.

Many thanks to Gonçalo and thanks to James aka Tanganyika for the english translation.

Interview by Stick to the Groove (Lény Richard & Théo Lorenzi).