Il est toujours intéressant de rencontrer un DJ qui a pu auparavant vous faire forte impression. Lorsque j’ai entendu pour la première fois Handmade, j’ai été impressionné par sa concentration derrière les platines. J’en avais déduit que c’était une personne extrêmement sérieuse, pour plus tard me rendre compte qu’il était surtout doux et timide. Dans un peu moins de trois semaines, il jouera à Paris pour la première fois. Nous avons pensé que c’était l’occasion parfaite pour pouvoir un peu discuter avec ce héros local Berlinois. Un natif de l’Est qui se souvient « avoir été stupéfait par les innombrables lumières de Berlin Ouest » après la chute du mur.

Pour commencer : as-tu pu vivre la scène électronique Berlinoise des années 90 ? Des lieux comme l’E-Werk ?

Je ne suis jamais allé à l’E-Werk, lors de l’année 1999 j’ai eu ma première expérience en club. J’avais seize ans à l’époque, et je me suis rendu à l’ancien Tresor. Je me souviens avoir été vraiment vraiment impressionné.

Impressionné au point d’avoir alors décidé de devenir DJ ?

Non, je ne m’y intéressais pas encore. Avec mes amis, je commençais à essayer des nouveaux trucs, à sortir. Pour tout ce qui est relatif à cette scène et aux DJs, l’intérêt est venu progressivement. À un moment, j’ai commencé de plus en plus souvent à me retrouver sur le dancefloor, et à penser : « non mais c’est faux là, il devrait plutôt jouer de cette façon ».
Je crois avoir acheté ma première platine en 2004. À partir du moment où j’ai obtenu la seconde, j’ai passé une demie année enfermé chez moi. Je ne sortais plus, je travaillais, et ensuite je ne faisais que mixer en permanence. Pour moi, c’était la meilleure façon d’apprendre.

Pourquoi Handmade ? Est-ce en rapport avec la cuisine ?

Haha, oui comme tu le sais je suis aussi chef ! Je fais des choses tout le temps avec mes mains. Je travaille avec mes mains, je joue avec mes mains. Handmade était l’alias parfait.

J’en déduis que tu es une personne très tactile. Est-ce la raison pour laquelle tu ne joues qu’avec des vinyles ?

Il est certain que c’est lié. Pour moi un DJ doit jouer vinyle. On peut les toucher, les tenir, il faut aussi les sélectionner dans son sac, les sortir… Dans mon cas, c’est tout un processus simplement merveilleux. J’ai essayé de jouer avec des Cds, mais chez moi des Cds vont se retrouver par terre quelque part, et je ne vais pas vraiment y prêter attention. J’aime aussi l’histoire derrière une sortie vinyle. Pour résumer, un disque vinyle m’est bien plus qu’un objet.

Quand a commencé la résidence au Tresor ?

Dans les alentours de 2008, je me rappelle avoir joué pour une soirée Bonito House Club. Par la suite j’ai été réinvité. À présent je joue au club tous les deux mois.

J’ai pu entendre qu’une nouvelle salle va être inaugurée au Tresor lors de la nuit du 31 décembre. Peux-tu m’en dire un peu plus sur le sujet ?

Alors en fait, je ne sais pas trop si j’ai le droit. Brièvement, c’est un bar qui servira aussi d’espace pour des artistes. Oh, il s’appelle Shift.

As-tu utilisé une méthode pour ce podcast, avais-tu une idée en tête ?

Absolument, j’ai bien réfléchi à ce que je voulais exprimer avant de faire quoi que ce soit. Personnellement, je considère la house comme une musique qui peut raconter une histoire, et qui simultanément possède sa propre histoire. Je vais un peu illustrer mon propos : je suis parti vivre à Chicago car je voulais comprendre la musique. Sa construction, d’où elle venait, et pourquoi elle avait été créée. Je me souviens être allé tous les jours dans ce magasin de disque, il me fallait juste tout écouter en intégralité.

Tu vas bientôt jouer dans une soirée nommée « Berlinons Paris ». Es-tu prêt à berliner quelques Français ?

Il y a une anecdote assez cool derrière mon invitation. L’été dernier, j’ai pu partager un excellent moment avec le public au Sisyphos. Lorsque j’ai terminé mon set, il n’y pas eu de pause et le prochain DJ a tout de suite enchaîné. Cependant, tout le monde a applaudi pendant plusieurs minutes. Je me suis vraiment senti bien, et un jeune homme est venu me rencontrer. Il m’a alors dit : « j’adorerais t’inviter ». Nous sommes restés en contact, et quelques mois plus tard : me voici prêt à berliner Paris !

Récemment, on a pu voir que Paris semble se rapprocher de Berlin en matière de soirées. Notamment avec des projets comme celui-ci ou Concrete. Pendant ce temps à Berlin, on entend beaucoup de gens se plaindre. En particulier au sujet des touristes, et il semble y avoir une myriade de nostalgiques. Quel est ton avis sur le sujet ?

Hmm, les touristes ne me dérangent pas du tout. Si c’était toujours les mêmes personnes, cela finirait par être totalement ennuyeux. Ils viennent pour passer un bon moment, et c’est en général ce qui se produit. Ils sont donc plutôt agréables et décontractés. En ce qui concerne Berlin, je pense que les années 90 étaient juste complètement folles. Tu pouvais y faire ce que tu voulais sans aucune limite. Derrière, je dois dire que cette scène s’est lentement aussi transformée en un business.

Dans le genre de l’évolution entre Bar 25 et Katerholzig ?

Oui, un peu dans cet esprit. Auparavant, ce n’était pas du tout pour l’argent. Je me souviens du Bar 25 lorsqu’il a été lancé, l’entrée était gratuite, et le club restait ouvert toute la semaine non-stop. Aujourd’hui, le Katerholzig est une gigantesque machine à faire du cash. Berlin demeure une ville très spéciale, mais de nos jours les clubs sont aussi des entreprises.

It is always interesting to meet a DJ whose performance makes a strong first impression on you. When I first heard Handmade, I was amazed at how focused he seemed behind the decks. I assumed he was a very serious man, but quickly discovered that he is actually a shy and gentle person. Three weeks from now he will play in Paris for the first time. We thought this was the perfect occasion to have a chat with this local DJ hero from Berlin, an original who recalls being “astonished by all the lights of Berlin West” when the wall fell.

To begin with, did you experience the Berliner party scene of the 90s? Places such as E-Werk?

I never went to E-Werk. My first club experience was in 1999 when I was sixteen. I went to the old Tresor, and I remember being really really impressed.

Impressed to the point that you decided to become a DJ?

No, I wasn’t in the DJ scene at that time. I just started with my friends to try new things and go out. The interest in the whole DJ thing came with the years of partying. At one point it began to happen to me more and more, that I would be on the dance floor and think , “oh no that’s wrong now, you have to do it like that.”
Then I think I bought my first turntable in 2004. When I got my second turntable, I spent the next half year home. I would never go out, I was only working and then mixing all the time. All by myself, it was the best way for me to learn.

Why Handmade? Is it because you like cooking?

Haha well, as you know I am a chef! I do things all the time with my hands, I work with my hands, I play with my hands. Handmade was a perfect moniker for me.

So you are a very tactile person. Do you think it is why you only play with vinyls?

It definitely has something to do with it. For me a DJ has to play vinyls. You can touch vinyls, hold them in your hands. You have to pick them in your box. It is a whole process which is truly marvellous for me. I tried playing with CDs, but at my place CDs just lay down somewhere and I don’t really care about them. I also like the history behind a vinyl. Simply put: it is way more than an object.

When did the residency in Tresor begin?

Around 2008, I think I played at the Bonito House Club party and they invited me again. Since then I have been playing in the club every two months.

I have heard that a new room is going to be inaugurated in Tresor on New Year’s Eve. Can you tell us more about it?

Actually I don’t really know if I can. Basically it is a bar which is also a space for artists. Its name is Shift.

Did you go through any kind of process for this podcast?

Absolutely, I thought about what I wanted to express before doing anything. For me house music is something that can tell a story and simultaneously has its own story. Let me illustrate my point: I went and lived in Chicago because I wanted to understand the music. The construction, where it came from, and why it was made. I remember going every day in that record shop, and I just had to listen to all of their records!

You are going to play at a party called “Berlinons Paris” soon. Are you ready to berlinize some French people?

There is a cool story behind my booking there. Last summer I shared an amazing moment with the public in Sisyphos. I didn’t take a break and the next DJ started right away when I finished my set. However, people kept clapping and it felt great. Then that young guy from Paris just came to me and said: I would love to book you. We kept in touch, and here I am, ready to berlinize Paris!

Recently, Paris has been following Berlin’s lead when it comes to parties, notably with projects like this one or Concrete. Meanwhile in Berlin, we hear people complaining a lot about tourists and how things have changed. What is your take on this?

Hmm tourists do not bother me at all, I mean if it were always the same people, it would just be boring. They come to have a good time in Berlin and they usually have one. So they are generally nice and easy-going. About what changed in Berlin, I think that the 90s were just insane. You could just do anything you wanted with no limits. I guess I would also say that the scene has also slowly become a business.

You mean a little bit like the evolution between Bar 25 and Katerholzig?

Yea something like that. Before it wasn’t about the money at all. I remember when Bar 25 opened, you had nothing to pay to get in, and it was open non-stop all week. Now Katerholzig is this huge cash machine. Berlin is still very special, but nowadays clubs are also businesses.

Artist: Handmade | Episode: 123 | Labels: Tresor | Info and download here.

Christophe