De ses sets au Limelight au début des années 1990, jusqu’à ses sorties toujours bien particulières sur des labels comme Planet E, Reade Truth est resté une figure atypique de la scène électronique. Nous avons eu la chance de discuter avec cet homme passionnant, qui fait partie des artistes cultes du New York underground.

Alors tu a été actif depuis les années 1990, et je suis sûr que tu as plein d’anecdotes à raconter. Tout d’abord, peux-tu nous dire comment tout a commencé avec la musique ?

J’ai commencé à mixer au lycée à la fin des années 1980. J’ai toujours été exclusivement attiré par les musiques électroniques, et j’ai commencé par la new wave, la musique synth et indus. A partir de là, j’ai gagné la réputation d’être non conventionnel, de toujours chercher à jouer des disques plutôt obscurs. J’ai commencé à fréquenter les clubs new-yorkais quand j’avais 15 ans environ. Et une nuit, vers 4h du mat’ dans ce gros club qui s’appelait Red Zone, j’ai entendu ce mix de “Back to Life” de Soul 2 Soul avec “Trans Europe Express” de Kraftwerk. C’est à partir de ce moment là que j’ai su que c’était cela que je voulais faire pour le reste de ma vie. Je suis ensuite allé à la fac et j’ai fait mon premier concert professionnel à 17 ans, au Pyramid Club dans le Lower East Side. Puis, les résidences au Limelight, au Building et pour beaucoup d’autres grandes scènes new-yorkaises ont suivi.

Tu as donc expérimenté le monde des soirées new-yorkaises à partir des années 1990, dans des endroits célèbres comme le Limelight. Qu’est-ce dont tu te souviens de cette époque ? Comment cela t’a-t-il influencé ?

Les années 1990-1992 étaient vraiment une période décadente pour la scène club à New-York. C’est difficile pour les gens de comprendre ça auourd’hui, mais ce que nous avons connu était vraiment spécial. On entendait pour la première fois les tout premiers disques techno et rave, et la puissance de cette musique a été une claque pour tout le monde, depuis les disquaires jusqu’au DJ’s et au public. Le monde de la nuit est devenu fou. Des teufs absolument dingues, tous les soirs, toute la semaine. Dans le même temps, la scène rave de Brooklyn a commencé à grandir. Vers 1993-1994, j’étais complètement en phase avec les DJ’s de Brooklyn Adam X et Frankie Bones. On faisait des soirées dans des entrepôts désaffectés, des lofts, n’importe où, et on se battait, littéralement, pour conserver une musique vraie et une scène underground. On prenait tous très au sérieux l’opposition à une vision commerciale de la musique. Je me souviens que lorsque j’ai rencontré Adam pour la première fois, je venais de mixer pour une teuf malade sur le toit d’une maison. Il était surpris que j’aie autant de vinyles R&S qui étaient alors impossibles à trouver. Il a fait “T’as eu ça comment ?”, et j’ai fait “T’es qui toi ?”. On a mis nos bacs côte à côte et on a comparé tous nos disques les uns après les autres. On est toujours restés très proches depuis ça.

Simultanément, dans ma carrière, j’ai fait pas mal de promo. C’est naturel pour moi, parce que j’ai tendance à beaucoup parler, me dit-on ! J’ai d’abord travaillé pour Mute Records, et ça c’était un de mes rêves d’enfance. J’ai fait la promo de tous les classiques, mais surtout de Richie Hawtin et sa série +8, les compilations Tresor, etc. J’ai beaucoup bossé pour que ces gens soient connus sur la scène électronique. Par la suite, j’ai travaillé pour Antler-Subway, puis ma propre entreprise de promotion, Truthink, et puis je suis revenu vers Adam et Frankie pour gérer leur magasin de disques, Sonic Groove, pendant près de dix ans.

Quelle est la chose dont tu es le plus fier dans ta carrière ?

Je suis fier de tout ça, mais ce dont je suis le plus fier, c’est en ce que je peux faire musicalement. Je suis un musicien de cœur, et pour être plus précis, un artiste. Il y a donc toujours un concept dans tout ce que je fais. J’ai commencé à produire en 1990 et mon premier disque est sorti sur Direct Drive Limited en 1994. Je me souviens que nous avions griffoné le contrat sur un coin de serviette avec le dirigeant du label ! J’ai eu de belles sorties sur Sonic Groove et sur mes propres labels Path Records et White Label… Mais ce dont je suis probablement le plus fier c’est ce disque sur Planet E Records, “Crimen Excepta EP”, en 2009.

Est-ce que tu as des projets sur lesquels tu travailles en ce moment ?

C’est le bon moment pour me demander ça ! Je peux t’assurer que je ferai de la musique électronique jusqu’à ma mort. Mais pour le moment, j’ai arrêté de produire et je n’y retournerai pas avant la fin de l’année, ou au début 2014, avec un projet complètement nouveau. Je n’ai jamais fait des tracks uniquement pour le dancefloor, j’ai toujours cherché à retranscrire une sensation, une émotion, ou un concept. Mon grand-père était trompettiste de jazz et un sculpteur dans les années 1930-1940, je crois que j’ai hérité de lui sa vision de l’art. Je crois énormément en l’individu, la créativité et l’expressivité. Malheureusement, la musique en général est devenu un business et ceux qui s’en occupent essaient de bloquer ce genre de concept pour faire de l’argent. Je n’arrêterai jamais de combattre cette politique et je m’efforcerai toujours d’amener le vrai son underground à ceux qui ne demande que ça. Je pourrais m’en foutre de la politique des clubs et des égos. Je n’ai jamais sucé la bite de quiconque. Si tu me bookes comme DJ, c’est que tu partages cette croyance très spéciale et spirituelle que la musique est une avant tout un art, et non une vache à lait. Sinon, c’est que tu n’as encore jamais entendu Reade Truth !

Ton mix plonge dans de nombreuses directions, et je le trouve personnellement assez sensible, émotionnel, dans le bon sens du terme. Qu’avais-tu en tête lorsque tu l’as enregistré ?

Enfin, et c’est peut-être le plus important pour moi, tu me poses des questions sur le mix ! CagE, c’est un anagramme pour ma muse et petite amie qui vit malheureusement très loin de moi. Je me suis donc efforcé de restranscrire cette véritable sensation d’un amour et d’un désir absolus, et cet espoir qu’un jour nous pourrons être ensemble tous les jours. Ce qui est bien avec ce mix c’est que chaque track renforce l’une après l’autre cette croyance et ma confiance, parce que je crois en nous. Pour cela, il est éternel, et tu peux en ressentir l’émotion par la musique. Il se développe, à partir de la beauté, vers le mystère, vers l’espoir, jusqu’à notre réussite. C’est pour ça que ce mix est la chose dont je suis finalement le plus fier dans ma carrière. Et c’est ce genre d’art que j’essaie de créer, une musique qui peut être appréciée, non pour 5 ans, mais pour 50, 500, ou 5000 ans ! Voilà mon intime conviction.

From djing in Limelight, to releasing distinctive music on labels such as Planet E, Reade Truth is an atypical figure in the electronic music scene. We had the chance to chat with this passionate man, one of New York’s underground hero. 

So you have been active since the nineties, and I am sure you have a lot of stories to tell. First, how did it all start with music?

I got started as a DJ in high school in the late 80s. I was always exclusive in my taste for electronic music and started with new wave, synth and industrial. even then I had a reputation for being unconventional, always looking for obscure records to play. I started going to the New York clubs when I was 15 or so and I heard a DJ mix soul 2 soul « back to life » with Kraftwerk « trans europe express » one night at 4 am at a big club called the Red Zone and I knew at that moment this is what I wanted to do for the rest of my life. When I got to college I had my first professional gig at 17 years old at the pyramid club in the lower east side. Residencies at Limelight, the Building and many other classic New York venues soon followed.

You experienced the New York party scene from the 90’s, infamous places such as Limelight. What do you remember from that time? How did it influence you?

1990-1992 was a really decadent time in the New York club scene, its hard for people to understand now, but what we experienced was very special, the very first techno and rave records were being heard for the first time and the power of the music swept everyone off their feet, from the record stores to the Djs to the people. The party scene became ridiculous. Absolute crazy parties every single night of the week. At the same time the Brooklyn rave scene began to flourish. By 1993-1994 I was completely aligned with Brooklyn djs Adam X and Frankie Bones. We were throwing parties in deserted warehouses, lofts, wherever we could, and verbally fighting to keep the music real and the scene underground. We were all very serious about non-commerciality in music. I remember meeting Adam for the first time, I dj’d before him at some crazy party on the roof of some house, and he was surprised I had so many R&S records which were impossible to find back then. He was like “how do u have that?” and I was like “who are you?” we put our boxes side by side and compared record for record. We been very close ever since.
Simultaneously in my career I have done a lot of promotion, I’m a natural promoter because people say I like to talk a lot? First I worked for Mute Records, and this was one of my childhood dream. I promoted all the classic stuff, but more importantly Richie Hawtin and his +8 stuff, Tresor compilations, etc. I worked very hard to make those people household names in the electronic scene. Afterwards I worked for Antler-Subway, then my own promotion company Truthink, and then I went back to Adam and Frankie and managed their record shop, Sonic Groove for close to a decade.

What is the thing you are the most proud of in your career?

I am proud of all that stuff but I am most proud of what I can contribute musically. I am a musician at heart. An artist to be more specific, so there is always a concept behind everything I do. I started to record in 1990 and had my first record released in 1994 on Direct Drive Limited. I remember the label owner and me scribbled out the contract agreement on a napkin. I had some great releases on Sonic Groove and my own labels Path Records and White Label… But I am probably most proud of the Planet E record, Crimen Excepta EP from 2009.

Do you have any projects you are working on at the moment?

This is a good time to ask me about future projects. I can guarantee I will make electronic music until I die. But, as for now, I stopped production and will not return until maybe late this year or early 2014 with a completely new template. I have never made tracks just for the dancefloor, its always trying to describe a feeling or an emotion or a concept. my late grandfather was a jazz trumpet player and a sculptor in the 30s and 40s, I believe I inherited his artistic vision.
I am a very strong believer in individuality, creativity and expressiveness. Unfortunately the global scene has become a business and those in charge try to block these concepts, to make money. I will always fight against these politics and strive to bring the real underground sound to those who crave it. I could give a fuck about club politics and ego. I will never kiss anyone’s ass. if you book me as a Dj it”s because you have that very special and spiritual belief in music and understand this is an artform and not a cash cow. Otherwise you’ve never heard the real truth yet.

Your mix goes into a lot of directions, and I find it personally quite emotional in a good way. What did you have in mind when you recorded it?

Lastly, and perhaps most important, you ask me about the mix. Well cagE is an anagram for my muse and girlfriend who unfortunately lives very far from me, so I was striving to define that true feeling of absolute love and longing and hope that we can be together every day some day one day. What’s nice about the mix is the level of my belief and confidence gets stronger with each track, because I believe in us. Therefore its eternal. so u can feel the emotion in the music. It develops from beauty, to that mystery, to hope, to our success. so this mix is the thing I am most proud of in my career. And that is the kind of art that I am trying to create, music that can be appreciated not just 5 years from now, but 50, 500 years or 5,000 years from now.That is my honest truth.

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Christophe