De danseur à DJ, organisateur, producteur, manager de labels comme EDEC Music Outlet, Jon Hester a pratiquement été tout ce que l’on peut imaginer être dans la scène underground. Son enfance à Chicago l’a exposé précocement à la house. Danser, entendre du DJ Funk ou du Rob Base sur des grosses enceintes ont mené Jon dans un voyage, au cours duquel il est devenu danseur de breakdance et a pris part à l’émergence de la scène électronique de Minneapolis.

Que peux-tu me dire sur Chicago?

Chicago m’a apporté un premier regard sur un monde plus vaste, avec les clubs, et ces programmes radio où l’on entendait mixer de la house tard dans la nuit. Ce que j’en ai principalement retenu, c’est ces DJs qui balançaient des gros sons qui tapent, tout en mixant vite avec des scratchs. L’objectif principal étant de faire danser, de provoquer le mouvement des corps, les pas de danse rythmés, le breakdance… C’était surtout une expérience liée au club, et moins un désir de repousser les limites musicalement. Tout a changé lorsque je suis allé à Londres en 1996/97 pour jouer du saxophone avec la fanfare de mon école dans une parade pour le nouvel an. Là-bas on y entendait du UK garage joué un peu partout avec ces éléments jazzy qui résonnèrent en moi, ensuite au nouvel an j’ai rencontré cette fille du Michigan qui m’a donné des mixtapes techno de Détroit. C’est à partir de ce moment là que j’ai su ce que j’étais en train de chercher.

Minneapolis paraît être une ville très spéciale.

J’ai déménagé à Minneapolis pour étudier en 2000. Au delà de l’université qui me plaisait, j’ai choisi Minneapolis car il m’a semblé qu’il s’y passait quelque chose ; ce n’était pas une de ces villes universitaires où la seule option pour s’amuser est d’aller dans un bar lambda et de se saouler. Lorsque j’y suis arrivé, j’ai directement sauté dans la scène musicale, et c’est là que j’ai pu goûter pour la première fois à l’organisation d’évènements.

Qu’est-ce qui peut te manquer des U.S ?

Hmm quelques trucs me manquent, mais c’est spécifiquement lié à Minneapolis. C’était un melting pot unique; une expérience où les gens prenaient des risques artistiquement. Nous n’étions pas à Chicago ou Detroit. Nous n’avions pas un passé auquel nous mesurer, nous écrivions notre propre histoire. Minneapolis a été un ilot de créativité d’où des personnes telles que mes contemporains Dustin Zahn et DVS1 ont émergé. Un petit groupe de passionnés qui restèrent vraiment fidèles à une vision. Il s’agissait surtout de donner aux gens une expérience incroyable avec la musique, et cela s’est vraiment gravé en moi. Cette culture des sound systems me manque, ces enceintes monstrueuses générant des basses faisant trembler les corps, et opérant finalement en tant que murs des lieux où se déroulaient les soirées.

Cela semble vraiment massif.

En Europe les gens savent ce qui sonne formidablement bien, mais ils ne connaissent pas ce qu’excessif peut signifier. C’est quelque chose de physique, d’immersif. Cela peut être perçu par certains comme aller trop loin, mais c’est peut-être aussi parce qu’ils n’ont jamais essayé. La réponse du public me manque aussi. Ce que je veux dire ici, c’est qu’à Berlin nous sommes peut-être trop gâtés.

Je comprends parfaitement ton propos. Je peux m’imaginer les gens beaucoup plus reconnaissants qu’ici.

En fait à Minneapolis, ceux qui sortent en soirées techno ne sont pas seulement reconnaissants, mais ils ont faim. Ils peuvent parfois avoir attendu un mois pour avoir une chance de sortir dans un lieu tel qu’un hangar sombre avec un sound system de malade. Cette faim se traduit par des personnes qui dansent et crient sur le dancefloor. Ce genre de retour positif aide les DJs à créer quelque chose d’intense.

Avec ta perspective unique de pratiquement tous les points de vue possibles dans cette scène, regrettes-tu ou changerais-tu quoi que ce soit aujourd’hui ?

Je ne changerais rien, et je suis heureux de ne pas contrôler cela. Bon, un truc qui m’amuse est cette sorte de mouvement dubstep américain. Cela m’amène à penser: “ok maintenant tu es assez vieux pour te retrouver devant un nouveau genre musical que tu ne comprends vraiment pas. Haha, mais qu’est-ce que ces jeunes sont en train d’écouter ?” Mais d’un autre côté, on me force pas à en entendre. J’espère juste pour les gens qu’ils aient la chance d’être exposés à une musique underground qu’ils aiment. La majorité de la musique ici-bas nous est presque imposée. Internet peut vous donner accès à tellement de choses, mais il faut savoir où chercher.

Peux-tu me raconter ce qui s’est passé pour le clip de Nina Kraviz ?

C’est une histoire assez folle en fait. Brièvement, Nina et un ami de David Terranova m’ont contactés, et je voulais le faire mais j’avais un vol le jour de l’enregistrement. Ils arrivaient la nuit précédente, nous avons donc décidé d’essayer. Ce jour là, j’ai travaillé plus de dix heures, avant de retourner chez moi préparer mes affaires. Pendant ce temps l’avion de David a été bloqué quelque part. Finalement vers 3h du matin nous nous sommes tous retrouvés, tout a été planifié rapidement, et nous nous sommes jetés à l’eau. Nous sommes allés sur la ligne de tram M10, Nina avait ces petites enceintes Jambox, mais la connexion Bluetooth ne fonctionnait pas. En gros j’ai dû danser pendant que Nina s’est retrouvée dans le froid en train de tenir son ordinateur portable afin que je puisse entendre le morceau. Pendant une heure, j’ai dansé et couru dans tous les sens, avec peut-être 60 secondes entre chaque prises, j’étais donc plutôt fatigué vers la fin. Dès que nous avons terminé de filmer, j’ai sauté dans un taxi pour attraper mon avion vers les U.S.

Dirais-tu qu’être danseur influence la façon dont tu fais de la musique ?

Absolument. Dans tous les sens possibles. L’attention prêtée au corps, au groove, au rythme ; je joue une musique qui me donne envie de danser sans oublier mon esprit. J’essaie de construire une atmosphère, puis de donner la possibilité de respirer ; l’énergie monte, redescend. Dans ce mix, je suis allé d’éléments calmes à quelque chose de plus hypnotique et puissant. Il y a une ligne fine entre faire du spectacle et être un artiste. Mon but est d’essayer d’être quelque part au milieu : fidèle à mes racines et à ce en quoi je crois, mais aussi proche de mon audience.

 

From dancing to DJing, running events, producing, or managing labels such as EDEC Music Outlet, Jon Hester has pretty much done everything you can do in an underground scene. Having grown up in Chicago, Hester was exposed to house music at a very young age. Hearing and dancing to DJ Funk or Rob Base’s ‘It Takes Two’ on a quality sound system inspired and led him to begin a journey in which he took up breakdancing and took part in Minneapolis’ booming scene.

How was the scene in Chicago?


Chicago gave me my first look into a larger world. I would tune into late-night broadcasts of house mixes on the radio, while also going out to parties and clubs. The general vibe that I experienced was that DJ’s would bang out hard-hitting house with quick mixes and some scratches. The main objective was to keep everyone dancing – jacking their bodies, footwork, breakdancing.. it was much more about the club experience than the music itself, and there didn’t seem to be that much of an interest in pushing the boundaries further musically. Everything changed when I went on a trip to London in 1996/97 to play saxophone in the New Year’s Day parade with my high school marching band. There was UK garage playing in shops which had elements of jazz that resonated with me, and on New Year’s Eve I met a girl from Michigan who gave me some techno mixes from Detroit. It was then that I knew that I had found what I was looking for..

Minneapolis seems to be a very special place.

I moved to Minneapolis to study in the summer of 2000. Aside from the university which I liked, I specifically picked Minneapolis because it felt like something was going on there; it was not a college town where the only option for students to have fun was go to an average bar and get drunk. When I got there, I jumped right into the music scene, and that is where I got my first taste of running events.

Is there anything you miss from the US?

Hmm there are some things that I miss, but it has to do specifically with Minneapolis. It was a unique melting pot; it was about an experience, people were taking risks artistically. We weren’t in Chicago or Detroit. We didn’t have a history to live up to, so we were writing our own history. It was this little island of creativity from which people like my contemporaries Dustin Zahn and DVS1 emerged. A small group of dedicated people stayed very true to the art. The focus was put on giving people an amazing experience with music, and that really burnt something into me. I miss this culture of sound systems – these monstrous speakers that would act as the walls of the venue with this body-rattling bass.

That sounds pretty massive.

In Europe people know what sounds great, but they don’t know what over-the-top feels like. It is a physical thing; it is immersive. It might be seen as too much by some, but maybe also because they haven’t tried it that way. I also miss the crowd response. I mean, here in Berlin we are spoiled.


I definitely see your point. I can imagine people being more grateful than here.

Well the people in Minneapolis that go out to techno shows were not only grateful, but hungry for it as well. They might have waited a month for the chance to go out in a dark warehouse location with a ridiculous sound system. That hunger translates to people dancing and screaming on the dancefloor. That positive feedback helps DJs create something intense.

With your unique perspective from pretty much every possible point of view in this scene, is there anything you regret or would change today?


I wouldn’t change anything and I am happy not to be in control of that. One thing I find funny though is this American dubstep thing. It makes me think, “Okay, now I am old enough that some new music is coming out and I don’t quite understand it. Haha. What are these kids listening to?” But at the same time I don’t have to listen to that. My only hope is that people have the chance to be exposed to underground music that they like. A lot of the music out there is just pushed onto people. Internet can give you access to so many things, but you have to know where to look.

What is the story behind the Nina Kraviz video?

It is a pretty crazy story. Briefly, Nina and a friend of David Terranova contacted me, and I wanted to do it but I had a flight on the day of the shooting. They were arriving the night before, so we decided to try something. I put in a ten-hour day at work, went back home, and started to pack my bag. Meanwhile David got stranded somewhere. Finally at 3 AM we all met, made a quick plan, and put it into action. We went to the M10 tram line, and Nina had this little Jambox speaker, but the Bluetooth connection wasn’t working. Basically I had to dance while Nina was out there in the cold holding her laptop so that I could hear the music. For an hour, I was running around and dancing with maybe sixty seconds in between takes, so I was pretty tired by the end. As soon as we had finished shooting I jumped into a cab to catch my plane to the US.

Would you say being a dancer influences the way you make music?

Absolutely. In every way. The focus on the body, on the groove, the rhythm; I play music that makes me want to dance without forgetting my mind. I try to build it up, then give it a chance to breathe; the energy goes up and down. Here in this mix I went from relaxed things into something more hypnotizing and powerful. There is a fine line between being an entertainer and an artist. I like to try to be somewhere in the middle: true to my roots and the things I believe in, but also close to my audience.

Christophe