Il est absolument impossible de décrire en quelques mots ce que Flying Lotus a créé avec Cosmogramma, tant il y a à en dire : la cohésion musicale entre l’avant-garde historique et le prochain chapitre de futurisme. ; la conversation au carrefour post-hip-hop de deux traditions de la musique urbaine, américaine et britannique, au centre d’une des scènes les plus vibrantes dans le monde, le coin ‘beat-and-bass’ de Los Angeles (dont Brainfeeder de Flying Lotus est un pilier) ; la communication exceptionnellement naturelle entre univers physique et spirituel, rendue personnelle et cohésive.

Beaucoup d’artistes s’efforcent de créer quelque chose grand et vaste mais Steven Ellison, 26 ans, le sort de sa tête et de son coeur. Ne pas le vêtir d’un costume spécial c’est lui porter préjudice. « Il aurait été si facile de faire un album dubstep » dit Ellison, clin d’oeil à la scène qui l’a célébré comme un virtuose depuis la sortie de son premier album sur Warp « Los Angeles » (écoutez les comptes-rendus hebdomadaires bass music de Mary Ann Hobbs dans son émission sur la BBC pour comprendre l’influence du son empli de soul de Flying Lotus sur cet univers). Au lieu de ça, il a créé Cosmogramma, un kaléidoscope à grande portée d’émotion sonore, qu’Ellison décrit comme « mon travail le plus honnête, simplement fidèle à ce que je voulais dire ». Mais il ne faut pas croire que les ‘dubstep headz’ ne vont pas s’extasier sur l’album, c’est juste qu’il va bien plus loin.

Plus seulement conséquence des machines d’Ellison, la musique est aussi le fruit de musiciens qui font partie de l’univers de Cosmogramma. On note la présence continue du bassiste Stephen ‘Thundercat’ Brune, un des piliers de Sa-Ra Creative Partners et des Young Jazz Giants. Il y a aussi la harpe de Rebekah Raff qui établit le lien entre la musique de Harry Patch et Ghostface Killah (avec lesquels elle a joué) ; on retrouve aussi le saxo ténor du cousin de Steven, le roi du jazz Ravi Coltrane et un certain Thom Yorke, un gars d’Oxford en pause de son rôle de chanteur dans le groupe de rock le plus influent du 21e siècle. On compte aussi la participation des cordes hip-hop et des claviers autrichiens influence Nintendo — vraisemblablement pour que Flying Lotus n’ait pas à les créer. Car la création des parties disparates était déjà un travail énorme.

L’héritage d’Ellison montre comment des approches différentes à la créativité peuvent créer un ensemble singulier. Sa grand-mère, Marilyn Mcleod, a écrit et produit quelques chansons populaires pour Motown (par exemple le tube disco de Diana Ross ‘Love Hangover’) et sa tante, la pianiste/harpiste Alice Coltrane (la femme du colosse saxophoniste, John Coltrane) a créé des compositions mythiques qui sont restés les fondements du jazz avant-garde, sans parler des fusions cruciales entre tonalités orientales et occidentales, incorporant des thèmes spirituels dans la musique moderne. « Quand j’étais plus jeune, je n’appréciais pas vraiment leur présence » dit Steven. « C’était ma mère et ma grand-mère – c’est simplement la façon dont elles travaillaient. Mais alors que je commençais à développer mon truc et que je me mettais au jazz, je me suis dit ‘wow !’ elles ne m’ont jamais mis la pression pour que je fasse de la musique. Elles étaient tout simplement à fond derrière moi et mes essais créatifs, quels qu’ils soient. Elles ne comprenaient pas vraiment ce que je faisais, même ma tante. Elle ne suivait pas vraiment le hip-hop, mais elle savait au fond d’elle- même que j’étais fait pour créer de la musique. » Autrement dit, il existe une raison profonde pour laquelle ‘Auntie’s Harp’, son hommage à Coltrane (ou, plus précisément, une partie du remix de Raff) apparaît sur Cosmogramma.

Pendant sa jeunesse à Los Angeles, Ellison avaient deux fascinations, le hip hop de Dr. Dre (« qui a été toujours été ma plus grande influence… le premier mec à produire des beats avec une mélodie ») et Doggystyle de Snoop étaient mes premières contaminations, la boite à rythmes Roland 505 offerte par son cousin en était l’entrée et les centaines de beats que Steven a produit à 14 ans, le résultat. Il y avait aussi la tradition musicale de la famille, Ellison a appris le piano avec ses cousins et il a joué du saxophone dans un groupe à l’école. D’autres expériences ont participé à la créativité de Steven depuis ses plus jeunes années : une exploration continue des rêves éveillés et un côté spirituel.

« Je devais avoir 16 ou 17 ans quand j’ai vécu ma première expérience hors de mon corps » dit-il, « je me suis réveillé et je flottais, nageais dans la pièce, tout en me regardant. Dès lors, c’était parti ! J’ai tenté de ne pas trop imposer mes croyances à l’auditeur, mais ces expériences ont joué un rôle dans ma musique. Ça m’inspire. Tu essaies de démêler les mystères de l’univers avec la musique ». En fait, le cosmogramme du titre de l’album est une figure de ce monde, créée pour la méditation et qui montrent l’intégralité de l’univers. Les Mandalas sont de bons exemples de cosmogrammes. Les premières activités créatives de Steven étaient dans le film et il a amené cet intérêt à l’Academy of Art de San Francisco. Là-bas, la rencontre avec un autre étudiant, l’artiste qui reste connu seulement comme Dr. Strangeloop a changé sa perspective. « A cette époque, je ne savais pas comment faire de la musique sur ordinateur, et c’est ce que lui faisait, en plus d’être cinéaste. Il m’a montré comment le faire et c’était parti. Après ça, j’ai commencé sécher les cours pour créer des beats ». (Dr Strangeloop est toujours un membre principal de Brainfeeder).

Ellison est retourné à une scène de Los Angeles bouillonnante d’ingéniosité. Le son : un mélange de hip-hop underground et soul, une prérogative orientée jazz sur l’improvisation et l’exploration, penchant vers les rythmes bass progressive et électroniques, et embrassant un état d’esprit psyché de la ‘West Coast’. Elle réunissait généralement des gens à des concerts au Little Temple (à l’Est d’Hollywood), le collectif Dublab et les fusions futuristes concoctées par les labels Plug Research (qui a sorti le premier titre de Flying Lotus, ‘Two Bottom Blues’, sur la compile The Sound of LA, et plus tard son premier album, 1983) et Stones Throw (où Ellison a été stagiaire).

A la fin de l’année 2006, ces groupes ont créé leur propre ‘clubhouse’, la soirée hebdomadaire bien connue Low End Theory à The Airliner. Ils ont aussi créé une ambiance qui a inspiré le titre de l’album de FlyLo en 2008, mais, quatre ans plus tard, est un des centres musicaux névralgiques du monde. « LA c’est cool » dit Ellison, « il y a une bonne vibe ici, du soutien, c’est un peu comme une famille, très accueillant. Quand je grandissais dans la Vallée, personne ne faisait aucun des trucs que je faisais, je n’avais ni guide ni pair. Tandis qu’aujourd’hui, je cherche le genre de gamin de 18 ans qui ne peut pas boire au Low End Theory mais qui nous demande comment faire ces trucs. A LED, les scènes se mélangent, ce qui est un autre point cool. Il n’est pas question d’origine, de sexe ou de son. Si vous jouez des trucs low, bass-y, ça le fait, peu importe que ce soit lent ou rapide — electro, drum’n’bass, hip-hop, dubstep, house, peu importe. » Une attitude qui a des répercussions mondiales aussi.

« J’aime le fait qu’il y a maintenant des gosses et des musiciens qui viennent de Londres à ici, Low End Theory, et ils font leur plus gros concert. Et vice versa. Quand j’ai commencé, personne ne faisait vraiment attention à ce qu’on était en train de faire. Maintenant on fait des soirées Brainfeeder à Londres ».

Le succès de Los Angeles a démontré que le hip hop surréaliste de Lotus allait parfaitement avec l’héritage de fusion de Warp, et annonçait des mutations soul pour la scène bass music internationale (tellement plus que simplement ‘dubstep’). Kanye West et Radiohead lui ont demandé des remixes et son univers s’est étendu. Mais dans l’esprit d’Ellison, « J’ai toujours pensé que quand on fait son troisième disque, ça doit être LE truc. J’ai toujours eu en tête que je devais y aller à fond ». Je vais laisser la parole à Ellison pour expliquer ce qui s’est passé ensuite :

« Au milieu de tout ça, ma mère est décédée en octobre 2008, alors que j’étais dans un creux d’inspiration. C’était inattendu, très soudain, vraiment dur et, tu vois, ça a changé ma vie. J’ai beaucoup appris sur moi-même en faisant cet album. J’espère que ça se ressent. »

« Mec, l’année dernière a vraiment été incroyable, à la fois en bien et en mal. Je ne pense pas que tu puisses comprendre. Je travaille avec Thom Yorke et tout en m’occupant du décès de ma mère, je vis ces expériences psychédéliques tarées, tout en commençant à être un peu connu dans la musique. Donc oui, c’était suffisant pour m’inspirer une nouvelle direction musicale, travaillant avec de nouvelles personnes, chercher en mon for intérieur et trouver ma propre appréhension de la vie. »

A entendre Ellison, Cosmogramma a été construit sur un idéal de musicalité profonde et partagée. « J’ai remarqué récemment que les gens attachent une grande importance à la technicité : ils s’intéressent seulement à la durée pendant laquelle on peut programmer ces caisses claires, ou comment faire les lignes de basse les plus folles, stupéfiantes. Ça commençait vraiment à m’énerver car je voyais que plein de kids — moi y compris — perdaient la maîtrise du processus. Genre, attends on ne veut pas être des techniciens, on essaie d’être des musiciens. Je veux que mes trucs soient les trucs les plus musicaux. Je rêvais d’avoir les cordes et de créer un jour l’album le plus fusion. Et maintenant on peut le faire. On a le pouvoir de créer ces trucs de fou — avec les nouvelles technologies et un accès plus facile aux musiciens autour de moi. Il n’y a pas de raison de ne pas aller plus loin. »

Cosmogramma est devenu une production de Flying Lotus : à la base conceptualisée et dont le coeur a été construit par Ellison, elle met en avant les idées de ses collaborateurs autant que les siennes. « Au début je travaillais seul. Je faisais les morceaux que je voulais faire et les construisais autant que possible, puis je me suis dit, bon, voilà l’album. Ensuite je me suis assis, écoutant ce que ça donnait et ce qui manquait. J’ai laissé des choses de côté et j’ai collaboré avec des musiciens. Je leur ai dit ce que je voulais, leur ai donné quelques idées. J’ai également pu reprendre certaines de mes idées, et ensuite quand tu collabores avec des gens, quand j’ai ouvert mon monde aux autres, certaines se sont développées dans le processus, bien au-delà de ce que j’imaginais en écoutant : les arrangements de corde, ont été écrits après. Ca a été une expérience enrichissante pour moi, en fait je me sentais un peu comme un extraterrestre, j’étais tellement habitué à travailler seul. »

Quand nous avons discuté dernièrement en janvier, Ellison ne faisait pas qu’affiner Cosmogramma, il cherchait toujours à donner un sens à la vie de ce disque. Il mixait les métaphores, mais ce qu’il disait avait du sens : « Tu sais, on en est au mastering de l’album et j’ai failli ajouter un nouveau titre, parce que je le voulais vraiment sur le disque. C’est une chanson super, mais elle est plus récente. Donc, je ne peux pas le faire ». Pourquoi ? Ai-je demandé. « L’histoire que j’ai créée avec cet album est faite pour clore un chapitre de ma vie. Il sera terminé après les retouches et le mastering, et quand Cosmogramma sortira, je devrai alors passer à autre chose ; mais cette chanson n’en fera pas partie, elle fait partie d’autre chose. Peut-être que je pourrai raconter cette histoire une autre fois. »

When global bass music matriarch Mary Anne Hobbs recently told The Fader “Flying Lotus, for me, is like the Hendrix of his generation” it seemed more then an audacious opinion, and with the arrival of Cosmogramma, it’s revealed as a revelation. In the past couple of years, Flying Lotus has grown into the position of being far more than a producer, he has helped materialize a far-reaching strain of musical ideology that has encompassed not only a global family of like-minded artists, but also a nearly infinite palate of planetary (and interplanetary) sonics.

Looking back, his full-length Warp debut, Los Angeles appears to be much more of a mission statement than a simple introduction – laying the foundation for a field on which an entire generation of artists would soon be playing. While that album was an introspective, moody travelogue through the Californian metropolis, it certainly hinted at Flying Lotus’ inclination to expand his sound beyond terrestrial means.

As you may deduce from the title of his latest opus, he’s done just that. Not only has an entirely new range of sounds been unlocked by our intrepid astral traveler, but every genre touchstone associated with his name has been merged into a self-described “space opera”. Seamless in execution and too wide in scope to properly describe, it is the authentic embodiment of his unique musical heritage. The spirit of his famed aunt, Alice Coltrane permeates the record, notably in the powerful collaborations with relative Ravi Coltrane, bass virtuoso Thundercat and the brilliant harp prodigy, Rebekah Raff.

Certainly these are further reaches into a musical space that Flying Lotus had hitherto been exploring, however other collaborators such as Erykah Badu and Outkast string arranger Miguel Atwood-Ferguson and guest vocalists Thom Yorke and a returning Laura Darlington (featured on Los Angeles’ epic closing track ‘Inifinitum’) help deliver Cosmogramma to dizzying new heights. All this name-dropping, however, is not to detract from the genius of the wizard-like figure behind it all. The most powerful aspect of FlyLo’s output has always been it’s ability to communicate his boundless love and enthusiasm for music in all it’s forms and that is what is boldly on display here.

People speak about ‘important’ albums all the time, but rarely is it so apparent that person behind them is following their own, chosen path – Flying Lotus is one of those precious few artists. When one is presented with an invitation for space travel, it’s not something to pass up.

Website : www.flying-lotus.com
Label : warp.net