Jean-Guillaume Cabanne et David Gluck forment Ultrakurt (prononcez « ultra courte »). Ils ont chacun marqué de leur touche l’histoire de ce qu’on appelle aujourd’hui la minimal-house ou le son roumain… Cela fait déjà plusieurs décennies qu’ils se connaissent et vous allez voir qu’ils finissent même les phrases de l’autre, comme le ferait un vieux couple. Ils étaient faits pour s’entendre…

Pouvez-vous nous parler d’Ultrakurt, de votre rencontre à la naissance du projet ?

David Gluck : On s’est rencontrés à l’adolescence on avait des boutons…
Cabanne : on avait 16 ans… et de fil en aiguille on est arrivés…
David : à 40.
Cabanne : On a eu l’idée en été 2000…
David : ça devait être ultra court…
Cabanne : mais ça fait déjà 20 ans.

Un péché mignon dans le processus d’écriture de vos morceaux ?

Cabanne : Ça c’est inavouable.
David : Inavouable.
Cabanne : En plus c’est notre marque de fabrique. Si on le disait maintenant, tout le monde aurait notre son, tout le monde aurait notre puissance [rires] donc on est obligé de le garder pour nous, désolé les gars.

Une machine préférée ?

Cabanne & David : L’ ATC-1 de Studio Electronics.

ATC1

Comment êtes-vous organisés en live ?

Cabanne : Pour les lives en ce moment on joue que sur Ableton parce que c’est plus simple et que ça fait sept ans qu’on n’avait pas fait de live ensemble mais dans le futur c’est prévu qu’on fasse ça avec du hardware.
David : Surtout que je viens un peu de redécouvrir mes machines et j’ai remarqué qu’on pouvait aussi se servir de ces vieilles machines en live donc on va s’y mettre, on va sortir le matériel dans les prochains mois.

On est fans de votre travail sur Minibar qu’on suit depuis quelques années déjà, comment vous gérez le label ?

Cabanne : Déjà ce n’est pas possible que vous suiviez notre travail parce qu’il n’y en a pas [rires]. La gestion du label c’est simple, il y a Eric Vence qui s’occupe de toute la partie immergée : pressage, mastering, distribution… Je m’occupe plus de dénicher tout le côté artistique mais ça vient aussi d’Eric ou d’Alx qui s’occupe de formaliser tout le design et les documents. Je fais la créa et je l’envoie direct à Alx. On travaille à trois depuis le début mais c’est très open. Si David arrive avec des idées… il n’y a pas vraiment de structure définie.
David : Le truc c’est que j’ai eu la bonne idée de partir à Berlin quand ça s’est monté donc forcément ça rendait mon travail difficile à distance.

Cabanne, peux-tu nous parler de tes projets en collaboration ?

Cabanne : Il y a David, Ark et des nouveaux qui risquent d’arriver comme Ben Vedren, Lowris… Ça fait partie de ma façon de travailler car j’ai toujours aimé bosser avec d’autres musiciens et j’aime bien l’échange d’idées. Quand tu travailles tout seul c’est vite rébarbatif. Tu rentres dans une sorte de processus intello un peu chiant, t’es jamais sur de ce que tu fais, t’as toujours envie de changer un truc… Quand t’as l’input de quelqu’un d’autre quand tu travailles c’est complètement différent. En général tu travailles sur quelque chose de plus léger, de plus direct, t’as beaucoup plus de spontanéité.

Tu peux nous parler un peu de ta rencontre avec Ark ?

Cabanne : C’est vieux ça. Pour ne pas dire de bêtises si je me souviens bien c’était en 99. C’est lui qui m’a fait rencontrer les Kata [Alex & Laetitia derrière Karat Records/Katapult ndlr], qui venaient d’arriver à Paris de Rouen. J’avais déjà le label Telegraph à l’époque qu’on tenait avec les gars de Logistic. On s’est rencontrés à cette époque là. Lui venait de sortir quelques maxis sur Briff, moi j’étais assez fatigué de la house, ce qui se passait à ce moment là… On était encore sur la French Touch, on entendait Daft Punk, Air, Cassius, Super Discount, Gopher qui ne sont pas des trucs foncièrement mauvais mais qui étaient très teintés et ne me plaisaient pas. J’ai entendu la musique d’Ark avant de le rencontrer, et c’est ça qui ma redonné l’envie de faire de la musique électronique. Il était beaucoup plus inspiré de gens comme Herbert et ce genre de musique qui était beaucoup plus imagé. Quand on s’est rencontrés on a découvert un peu toute cette musique qui venait d’Allemagne et des mecs comme Daniel Bell… Tout ce qu’on a appelé après la minimal, ce qui ne veut rien dire. C’est juste une musique un petit peu plus subtile, ça va de la techno à la house et ça n’a de minimal que l’étiquette qu’on va lui mettre dessus. Et donc Ark sortait de Trankilou [son projet avec Pépé Bradock ndlr], il avait déjà sorti deux trois EPs tout seul et il était dans un truc beaucoup plus bordélique, beaucoup moins calibré comme l’était Trankilou. Trankilou c’était énorme. C’est d’ailleurs un des seuls groupes de house français comme Motorbass (Cassius) qui dans ces années là ont fait des tracks qui ont eu une portée internationale. C’était vraiment profond et c’est encore des disques qui sont incroyables.
David : Ouais c’est intemporel, ça marche toujours.
Cabanne : Comme certains disques de Bradock d’ailleurs; qui est un des plus grands producteurs français et qui a fait des disques qui sont des bijoux.

Pour en revenir aux collabs Cabanne, tu donnes toujours l’impression de réveiller une facette inattendue des artistes avec lesquels tu travailles. Est-ce que tu considères systématiquement que ça soit meilleur du fait de confronter deux univers ?

Cabanne : Non je n’y suis pour rien, il y a beaucoup d’accidents dans les trucs qu’on fait ensemble. On fait ce qu’on peut et je ne considère absolument pas que ça soit mieux dans un sens que dans un autre. Déjà je ne considère quasiment rien [rires]. On n’arrive pas dans un studio en se disant « on va confronter nos univers », on arrive, on branche nos machines, les ordinateurs, on branche du son on édite, on essaie de construire un morceau ensemble. Ça dépend des gens avec lesquels tu travailles, ça dépend comment tu fais… T’as des morceaux incroyables d’artistes qui ont fait ça tous seuls, des collaborations qui sont superbes. Je ne pense pas qu’il y ait une façon mieux que l’autre. C’est juste intéressant et cool d’être avec un pote en studio. Un des seuls endroits que je préfère avec mon lit c’est mon studio. Dans ton studio tu peux être avec un pote, dans ton lit tu peux pas trop être avec un pote. Donc c’est mieux d’être dans ton studio avec ton pote et avec ta meuf dans ton lit [rires].

David, tu travaillais au Club der Visionare, qu’y faisais tu ?

David : Tout.
Cabanne : De la merde.
David : En fait j’ai rencontré Grégor quand il a monté un autre bar/restaurant qu’il a inauguré avec Sammy Dee. Bar qui s’appelait le Panaroma Bar, super jeu de mots. Et puis direct il m’a dit de venir au CDV. Ça s’est passé deux-trois semaines après et je suis devenu résident très vite, j’étais tout le temps collé là bas, je me suis occupé entre guillemets des bookings du club mais c’était un enfer car tout le monde voulait y mettre du sien, il y avait plusieurs résidents.
Cabanne : Faut rappeler que c’était il y a 10 ans.
David : Ouais c’était en 2004-2005, c’était la guerre. Ça s’est un peu structuré à partir de 2005.

Est-ce que vous avez des projets parallèles, un peu expérimentaux ?

Cabanne : On a un truc avec le hamster de David mais ça on ne peut pas en parler [rires].
David : J’ai un projet avec ma copine mais ça ne verra pas le jour avant longtemps.

Un revival du Minibar (bar que tenait Cabanne avec son frère ndlr) en tête ?

Cabanne : Je te dirais quand tout ça sera terminé. Certaines fois je regrette vraiment le fait qu’on ait arrêté cette aventure qui était vraiment très prenante et très intéressante à plein de niveaux. Pour plein d’autres raisons je suis content maintenant parce que j’ai plus de temps mais j’aimerais beaucoup avoir de nouveau un endroit de petite taille. Parce que je trouve que ça manque à Paris les endroits petits comme on avait. On faisait des soirées toutes les semaines, trois à quatre fois par semaines avec des djs jusqu’à 2h du matin c’était assez sympa. Mais je ne suis pas fait pour le business et c’est vrai que si j’avais l’opportunité de refaire un truc comme ça dans les années à venir je ferais ça soit complètement différemment, soit je ne le ferais pas du tout. Mais c’était une super belle aventure et c’est quelque chose qui me manque.

Minibar Parisminibar-paris

Des sorties qui arrivent ?

Cabanne : Normalement on a les 32 et 33e maxis de Minibar qui sont prêts. Le prochain c’est Cabsum et un remix de moi. Le 33e c’est Ben Vedren et son pote Patrice Leiris et donc si je ne dis pas de bêtises, le 34e sera un EP de David avec un beatmix de moi et le 35e Ultrakurt.

Si vous deviez sortir du lot quelques morceaux sortis sur Perlon et Minibar, lesquels choisiriez-vous ?

Cabanne : Fiou… Alors… En même temps c’est facile, sur Perlon il y en a 100, tu peux dire n’importe quoi ils sont tous bien. Rien que pour me faire plaisir je vais mettre le 2 de Dimbiman.
David : Le 26 de Pantytec.
Cabanne : Le 46 de Melchior. Sur Minibar c’est plus simple, le 25, Latin Lawyer et le prochain Cabsum.

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