La première fois que j’ai entendu parler de Bassiani, c’était il y a tout juste un an, grâce à un article parlant de son système son, premier Dancestack Funktion One installé en Géorgie.

Je me suis dis « tiens ça à l’air sympa » en voyant la photo, mais je n’y ai pas pensé plus que ça. La Géorgie c’est loin de la France, et surtout l’article ne parlait pas de la programmation musicale.

Et puis petit à petit, j’ai vu passer de plus en plus de feedbacks de djs techno parlant de ce « Bassiani », un des meilleurs club où ils avaient eu l’occasion de jouer.

Antigone : « Bassiani , honestly maybe one of the best club i have been to ! I will never forget this night , thks for the warm welcome and your kindness ! »

Conforce : « Thanxxxx Bassiani! Tbilisi. One of my favorite places now. WOW what an impressive club. #inspired »

Marco Shuttle : « Thank you for the magic, Bassiani. 💫 Feeling blessed. »

Giorgio Gigli : « Thanks Bassiani A truly memorable night!!! 🎶 »

Ben Block : « Bassiani in Tbilisi is just simply outstanding! »

Tripeo : « Everything about the new Bassiani venue is next level. Even more hyped then I already was after soundcheck »

Tripeo (encore) : « Short version: Bassiani is one of the best clubs in the world period.

Long version: I try to not have high expectations for gigs. It’s a great strategy not only against disappointment, but more importantly to enable pleasant surprises. That proved to be an impossible task before my return to Tbilisi, because last time was (and is) one of the highlights of the year. I was getting worried I was setting myself up for major disillusion. Luckily that didn’t happen. Au contraire mon frere!

Last night was next level in every way. From where I’m standing Bassiani made a giant leap forward in the new location. The setting, sound and vibe on the dancefloor is up there with the best clubs on the planet. I felt energy, love & unity in every corner of the floor. Exactly what this music is all about!!

I applaud you and your clubbing culture, can’t wait until we meet again  »

Joel Mull : « Bassiani!! That was really something special. Tbilisi you have a fantastic club. Sound and Light and crowd top notch. Thank you for tonight. 6 1/2hours went by so quickly! 🔥 »

Marcel Fengler :« What a night! What a place! Huge thanks to the entire crew and everyone who came along to BASSIANI in Tbilisi yesterday! »

Varg : « Thank you Tbilisi, it was truly amazing.

And also a huge thanks to the Bassiani crew for being the absolute best of hosts and for creating such an amazing scene in Georgia.

Hope to be back soon. »

Rødhad : « Last night at bassiani was absolutly fantastic. Great vibes, decent lightning and proper sound. I felt very comfortable and for my taste and feel i played one of the best sets for a long time. Thank you very much for joining the trip! »

Tout ceci a attiré mon attention, et c’est peu de le dire.

Bien qu’ouvert depuis fin 2014, on a vraiment commencé à en entendre parler en Europe cette année. Je suis ensuite tombé sur des photos d’un autre club, le Khidi, qui a ouvert ses portes en Juin seulement et semblait avoir une excellente programmation.

Dans la foulée, Resident Advisor a publié un excellent article sur la scène électronique de Tbilisi, qui met en exergue son explosion, les changements sociétaux et la politique du pays.

Lorsque Bassiani publiait début septembre 2016 sa programmation pour les mois à venir j’ai immédiatement repéré (entre autres) la venue de Voices From The Lake le 28 octobre. Je n’étais pas sûr de pouvoir y aller, mais j’ai gardé la date en tête.

Finalement je me suis décidé une semaine avant, histoire de payer mes billets d’avion plein pot… Il n’y a malheureusement depuis la France pas de vols directs, il faut forcément faire au moins une escale à Moscou, Kiev, Istanbul ou Bakou, ce qui rallonge le voyage.

1er jour

J’arrive ainsi le vendredi soir, après avoir pris le train depuis Nantes jusqu’à Paris puis un avion jusqu’à Bakou, un autre jusqu’à Tbilisi, et un taxi jusqu’à mon Airbnb, qui est à 5 minutes à pied de Bassiani et 20 du Khidi.

Le temps de me préparer, il est déjà l’heure d’y aller, le club ouvrant ses portes à minuit.

A l’entrée, les vigiles sont plutôt agréables, il ne semble pas y avoir de sélection particulière, simplement tout le monde est passé au détecteur de métaux. Il faut savoir que Bassiani fait une bonne partie de sa sélection en amont, grâce à son site web. Pour pouvoir acheter une prévente, vous devez vous créer un compte, dans lequel vous renseignez vos coordonnées, ainsi que l’url de votre compte Facebook. Votre profil est ensuite vérifié par un humain qui choisit de le valider ou non.

J’entre dans les premiers, pressé de découvrir ce club dont j’ai tellement entendu parler et dont les photos me font rêver. Bassiani représente en effet parfaitement la vision que je me fait de la façon dont il faut présenter la techno. Le club est une ancienne piscine située sous le Dinamo Arena, le stade de foot et rugby de la ville. La structure est entièrement en béton et en métal ce qui donne bien sûr un aspect très brut et industriel au lieu ; ça peut sembler cliché pour de la techno, mais selon moi c’est ce qui se prête le mieux à cette musique.

Je descend les quelques marches de l’entrée et me retrouve devant le vestiaire. Avant de déposer mes affaires je vais faire un tour pour vérifier la température, il semble en effet qu’il fait assez frais même à l’intérieur. En suivant le couloir qui va vers la gauche je dépasse un espace chill-out, et trouve immédiatement le dancefloor sur la gauche.

C’est simplement l’ancienne fosse de la piscine, le dj étant placé au fond, entre 2 dancestacks Funktion One. Sur le côté gauche une passerelle permet de surplomber le tout, tandis que sur la droite est situé le bar. Niveau lumière, pas mal de machines robotisées de type beam (éclairage en forme de bâton), mais qui sont utilisées de manière très minimaliste : elles bougent très lentement la plupart du temps, voir sont fixes mais clignotent à la manière d’un stroboscope. Soucis du détail oblige, dans ce cas le faisceau finit sa course dans une sorte de petite boite noire, et non pas bêtement sur le mur comme dans n’importe quel autre lieu. Un peu comme si c’était un tuyau lumineux placé là.

A l’arrière, en face du dj des escaliers permettent d’aller à l’étage, en mezzanine, où se trouve l’ancien petit bain pour les enfants. On peut ici se poser et admirer la vue qui donne sur le dancefloor. L’espace est doucement éclairé en rouge. Encore derrière se situent les toilettes, mixtes, où il ne semble pas y avoir de contrôle du nombre de personnes pouvant rentrer ensemble. Pour le moment on est clairement plus proche de la manière de faire berlinoise que française.

Je retourne poser mon manteau, prendre une bière (6 laris soit 2,30€ environ) et me place dans le sweet spot sur le dancefloor pour apprécier le warm-up de Ndrx. Nodrex est un dj local de Tbilisi, résident depuis peu à Bassiani. Complètement inconnu en Europe, je ne demande qu’à découvrir. Il enchaine pendant une heure des morceaux ambient assez sombres, dont toutes les fréquences sont parfaitement reproduites par le sound-system. Il enchaine après un ou deux morceaux dubstep d’une grande finesse sur une techno ambient et drone toujours assez sombre, et réussi à bien faire monter la pression sur le dancefloor. Celui-ci se remplit d’ailleurs assez tard, un peu comme en France, où il commence à être plein vers 2h.

Le public est beaucoup plus mélangé qu’à Berlin et un peu plus âgé que dans bien des clubs français. Niveau look on trouve de tout, un peu de berghain-berlin-techno-black outfit, un peu de survêt Adidas avec casquette, des gens en chemise, certains même avec des chaussures de ville en cuir, quelques uns en marinière, d’autres sans look particulier. Je croiserais même un couple d’une quarantaine d’année, habillés en jean et chemise, de manière assez classique, mais qui pourtant ne semble pas être entré là par hasard.

Voices From The Lake reprennent les commandes à 3h, pour un live qui durera jusqu’à 6h. C’est la troisième fois que je les écoute, après une fois au Labyrinth sur 5h de live / dj set hybride et une fois à Nantes où nous les avions invité pour 3h de live également. Comme à chaque fois je suis bluffé, pas de temps mort, pas de choses en trop, c’est fluide, prenant mais classe et jamais ennuyant. Le seul morceau qui me fait moins vibrer utilise le « Shepard Tone », à mon goût entendu dans trop de morceaux techno.

A partir de 4h du matin le dancefloor commence à désemplir doucement ; un peu comme à Paris, il semble difficile de garder un club blindé jusqu’à la fermeture. La différence c’est qu’ici il n’y a pas d’heure de fin imposée, et une partie du public reste bien après le lever du soleil.

A six heures du matin c’est Svreca qui reprend pour un set hypnotique dont il a le secret. Cela dit, plus l’heure avance, plus le dancefloor se vide et plus la musique devient violente. J’en suis presque étonné venant de lui, mais tant que ça reste de la violence de qualité, je valide.

Je quitte les lieux à 9h passé, mon corps fatigué par un long voyage me demande grâce.

Bassiani

2e jour

Après une bonne nuit et une bonne balade en fin de journée dans Tbilisi, je décide de me rendre au Khidi, où le line-up est moins connu mais néanmoins alléchant.

Fatigué de la veille, et le club n’ayant pas la même réputation je suis moins excité, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Le Khidi se situe dans le pilier du pont Vakhushti Bagrationi, et comme la veille rien ne balise le lieu ; peu de chances donc de tomber dessus par hasard. J’arrive à minuit et demi, et suis bien accueilli à l’entrée. Au niveau du hall d’entrée on trouve le vestiaire à gauche, et une petite salle avec bar, système Funktion One et dj ; c’est Cestlek un dj local qui joue, entre deep, dub et minimal. Du peu que j’entendrais c’est vraiment bien mais il n’y a malheureusement pas grand monde devant lui.

A côté se situe une autre salle avec les toilettes, similaires à celles du Bassiani.

Je monte pour me retrouver dans la salle principale, où j’ai la surprise de me retrouver sur un gros dancefloor, entouré d’un énorme système Funktion One une fois de plus, plus puissant encore que celui de Bassiani. Sur le côté droit se situent des gradins où l’on peut se poser. Le haut des gradins est parfois éclairé d’une lumière rouge, comme au Bassiani. L’ambiance lumineuse est similaire à celle de Bassiani, minimaliste, pas mal de faisceaux beam et de lumières stroboscopique, mais la plupart du temps c’est surtout le noir quasi complet avec beaucoup de fumée. Les deux clubs sont si proches niveau technique (système son et lumière) qu’on peut raisonnablement penser que c’est la même société qui s’en est chargé, ou que les propriétaires du lieu ont longuement trainé à Bassiani.

Je me laisse immédiatement emporter par le set de George Effe, un dj local de Baku en Azerbaïdjan, à 1h de vol de Tbilisi. Il joue jusqu’à 2h une techno entre ambiant et drone, faisant monter et redescendre la pression avant de laisser les platines à JP Enfant. Vraiment très bon.

JP Enfant joue lui un peu moins sombre globalement, mais évolue pas mal pendant les 3h de son set. Beaucoup de techno ambiant limite trancy, des morceaux techno plus dancefloors, je suis à 1 ou 2 morceaux près conquis, et le public semble l’être aussi, la vibe est absolument excellente.

Certains sautent dans tous les sens, d’autres se déchainent en groupe, d’autres dansent plus simplement, face au dj… ou pas ; ça fait vraiment plaisir à voir tant certains lâchent prise. Un mélange de transe, pour un résultat carrément rave.

A 5 heures c’est Stefan Vincent qui reprend, et va évoluer entre techno ambient et une techno très hypnotique, avant de durcir le ton à partir des 7h du matin. Son set est un sans faute, et je suis euphorique quand il termine sur le morceau d’Underworld « Dark & Long (Dark Train Mix) », qui sonne comme une libération après un long voyage introspectif.

8h du matin, George Effe reprend, je resterai bien l’écouter tant son warm-up était de qualité mais une fois de plus, les quelques heures de marche dans la ville suivies des 8h de dancefloor mes jambes me disent stop.

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Tbilisi Loves You

Bon, c’est le nom du wifi de l’aéroport, mais je l’ai aussi retrouvé en commentaire sur les events Facebook concernant des artistes qui avaient joué. Je répondrais I Love Tbilisi. On sent en se baladant que la ville est meurtrie, qu’elle a connue la richesse et la ruine, plusieurs fois. Une ville, un pays marqué par la religion d’un côté (96% de la population de Tbilissi est Chrétienne, la plupart sont Orthodoxes), une indépendance tardive, en 1991 à la suite de la chute de l’Union Soviétique, une Histoire récente encore assez chargée, et de l’autre côté une jeunesse qui a soif de liberté, d’égalité, qui est contre l’oppression et l’homophobie. Comme l’article de Resident Advisor le démontre, la rave est là-bas presque un acte militant.

Il y a quelques autres lieux proposant de la musique électronique à Tbilisi ; Mtkvarze, Café Gallery et quelques autres. Il semblerait que la scène à fait pousser ses racines depuis un moment déjà, mais elle commence tout juste à bouillonner. Même l’édition géorgienne de Forbes qui a consacré un article à Bassiani a senti le changement. Vivement demain.

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