HBT alias Heartbeat – To Kill a Heartbeat ou ce qui peut être la fusion parfaite de deux labels Parisiens : Dawn et Dement3d. Je ne connais que peu Julien Haguenauer, mais ce peu que je connais m’a fait accepter directement d’écrire une chronique sur son dernier EP. Il s’agit donc de son premier disque personnel ; pour autant l’homme est déjà un membre actif des nuits parisiennes depuis une décennie avec autant d’apparitions dans un contexte expérimental que dancefloor. C’est dans cette lignée que pourrait s’inscrire ce maxi même si l’étiquette expé-dancefloor ne rend pas justice au travail accompli.

Certes, il est bien sur possible de faire danser avec piano (l’instrument de musique sur lequel HBT a basé son disque) mais j’ai tout de même le sentiment d’être plus proche d’un Charlemagne Palestine ou encore Julius Eastman que les symphonies de Craig et Tristano. Au premier morçeau « The Mockingbird » les premières notes dudit piano sonnent de manière presque désuète, tantôt clairsemées ou encore indécise ; comme une refus de l’harmonisation parfaite et lyrique. Notes peu à peu nuancées par des nappes grouillantes et brumeuses qui me rappellent le dernier album de Dement3d du redoutable In Aternam Vale. La composition est relativement épurée tout en conservant certaines oscillations dans le clavier qui amènent une progression verticale. L’atmosphère devient alors tout sauf légère, le désuet a laissé place à la gravité.

Le second morceau : « Pesanteur (The Ball) » un clavier continue de manière bien plus présente : c’est là que je songe fortement au travail de Charlemagne Palestine et Eastman. Le piano qui forme des boucles à une vitesse plus soutenue est ensuite renforcé par des percussions et crachotements. La direction que prend le morceau se fait alors dans un sens unique : il y a ce mouvement frénétique particulier qui créé un mouvement. Un début de ballet apparaît : une danse où un individu tourne sur lui même en suivant le tempo. Un Cut Hands dans sa version française, moins politisé peut être mais tout aussi entêtant. Le troisième morceau, » Runway Shift » évoque moins l’utilisation du clavier. Un martèlement plus techno domine l’ensemble tandis que les nappes continuent de s’étirer, parfois striées et malmenées par des cymbales et accompagnée de bruits blancs saturant l’ensemble sans excès gratuit. Le vrombissement reste ténu et la rythmique donne un souffle puis une respiration à la composition. Un vrombissement grandiose s’approche après le premier tiers du morceau, puis vient mourir peut à peu pour laisser place au clavier qui s’étire sans cesse.

« À l’abris des regards indiscrets » est quand à lui est une belle manière de clore ce disque. Le clavier, cette fois ci, s’apparente plus à une ballade un peu pop rock mais vide de toute facilité pécuniaire et racolleuse. L’ambiance s’avère plus psychedelique malgré le tempo assez lent créé par un drone un arrière plan. Les notes du clavier viennent créer une harmonie simple mais troublante, ou l’ensemble s’avere un peu triste voir même surréaliste. Dans ce registre, je ne peux m’empêcher de faire le lien avec l’album de Tim Hecker – The Ravedeath 1972 et avec plus particulièrement le morceau « The piano drop ». Certes le style est très différent (l’un est une vague de bruit blanc, l’autre plutôt quelque chose d’agréable et méditatif) mais j’y retrouve ces mélodies troublantes, le côté désuet mais créatif qui ne cherche pas à révolutionner quoique se soit et cette tentative de rapprochement et de renouement avec un instrument suranné. La corrélation entre les deux pochettes ne sont pas en reste, il est dans ce cas intéressant de voir et comparer comment deux artistes sonore s’approprient un tel objet.