Leonid Nevermind n’est pas de ces producteurs deep house dont on peut dire qu’ils sont prolifiques. Avec à peine 8 sorties en un peu plus de dix ans, après un EP initial en 2007 au titre énigmatique (When Vithco Is Played) sur le label allemand de D.soul Tropic Netlabel, cela laisse suffisamment le temps de voir venir un prochain maxi surgir de nulle part et de digérer le précédent. Et c’est exactement là que réside la démarche de Leonid Doroshenko, dont les origines russes le rapprochent inévitablement de producteurs comme Nocow ou Anton Zap et le placent sur un autre rythme de production, plus long, plus calme et plus dense, soniquement et émotionnellement. Chaque maxi a sa propre nécessité et renferme sa propre histoire. La funkiness des steppes reculées est une affaire sérieuse, chargée de références à la house de Détroit (Marcellus Pittman et Théo Parrish en tête), de grooves interstellaires comme ce que l’on trouve chez les anglais de Firecracker, de disco lo-fi qui rappelle clairement certaines productions de Move D, et cette touche spatiale qui n’appartient qu’à eux. Autant dire qu’avec ce qui nous parvient habituellement de ces contrées le voyage est assuré.

Un second maxi plus affirmé l’année suivante, le bien nommé Fragmentary Soul, nous en dit un peu plus sur l’identité musicale de Leonid Nevermind (à ne pas confondre avec le projet Leonid signé sur Sistrum, même si les deux projets possèdent de nombreuses similitudes) : une deep house tout terrain, aux multiples facettes et aux accents funky en diable, avec toujours ce coté baroque typique dans la production qui peut à tout moment la faire dérailler. Ce que confirmeront les deux sorties qui suivront sur le label belge Nowar (car notre homme est aussi un pacifiste convaincu) avant de signer sur feu Stolen Kisses, subdivision hédoniste du label chicagoan Argot, une de ses meilleures réussites, le rapprochant peu s’en faut de la vague nu-disco qui sévit en 2012.

Trop introspective et nimbée de panthéisme, la musique de Leonid Nevermind ne rentre dans aucune catégorie établie et semble au contraire vouloir toujours s’en échapper. D’ailleurs le producteur russe n’a pas choisi son blaze par hasard : qu’importe pour lui le nom qui sera accolé à sa musique, seule compte l’émotion qui s’en dégage. Peu importe le style ou l’origine, contrôlée ou pas, puisqu’elle parle largement pour elle même. Lassé peut être de signer sur des labels qui ne tiennent pas plus de trois ou quatre ans d’existence, Leonid Nevermind décide en 2018 de créer son propre label pour véhiculer sa musique exploratrice, Bivouac Sound. Car en dix ans la palette du russe s’est beaucoup étoffée et durcit aussi dans les sonorités, le rapprochant plus désormais d’un MGUN. Son dernier EP l’année dernière, Were Made To Love, est à l’image de cette mutation musicale. Pour vous rendre compte de l’étendue du spectre musical de cet artiste, Input Selector vous propose de le découvrir sous l’angle de trois sets différents et complémentaires qui retracent ses nombreuses influences et s’il n’a réellement que faire du nom et de l’egotrip qui ravage le milieu électronique, il a néanmoins pris soin de s’occuper de vos oreilles et de vos jambes comme il se doit.