Propos recueillis  par Wassyl Abdoun.

Certains soirs, on voit la belle Mona aller à la Java pour participer au ball de waacking. Quand elle s’élance sur le runway et que le ball commence, on sait qu’il se passe ici quelque chose d’inédit à Paris. Les gens communient tous autour de la danse. C’est peut-être cet esprit de fête païen, tolérant et différent qui a charmé Brice Coudert, infamous DA chez Surprize. Il organise ce vendredi 31 une Concrete x Mona, avec le désormais mythique ball prévu au programme. Nick V, Murat Tepeli, Prosumer et Janeret  aux platines.

Pour célébrer l’évènement, qui accompagne l’anniversaire des 6 ans de Mona, interview du tutélaire Nick V, DJ discret et incontournable, un des créateurs de Mona.

 

Nick Vu-Hoang, alias Nick V, tu es français par ta mère et vietnamien par ton père et pourtant, tu es né à Manchester. Comment ça se fait ?

Mes deux parents sont fans d’Angleterre. Indépendamment, ils ont eux leurs experiences là-bas. Ils se sont rencontrés et ils ont décidé de rester. Mon père avait ce lien fort avec la Grande Bretagne, même depuis le Vietnam. Il suivait Manchester United du pays. Ca l’a amené à travailler et à vivre en Angleterre pendant 25 ans. Et donc, je suis né là bas. C’est ce bouillon de cultures qui m’a mis sur ma voie musicale.

T’as décidé de rentrer à Paris seul ou tu suivais tes parents ?

J’ai suivi mes parents car ils voulaient revenir aux sources. J’ai quitté Manchester à une époque assez charnière. C’était l’apparition de la house. J’ai connu cette période vraiment très particulière. Le paysage musical anglais se transformait d’une façon  fulgurante. Et notamment à Manchester car son multi-culturalisme y est très fort. Il y avait pleins de mélanges entre la culture noire, ouvrière et rock-indépendant. Ca rendait la ville très festive. Très grise, très froide mais très festive. La house est apparue tout de suite là-bas. Le terrain culturel y était propice. J’ai senti le développement de cette musique de façon très directe. La house avait déjà pris le contrôle dans pas mal d’émissions de radio. Mais moi je sortais pas encore en club, j’avais 15 ou 16 ans.

Donc t’es jamais sorti en club à cet âge-là à Manchester ?

Non. Mais par contre, on avait nos clubs. On avait des school discos, une sorte discothèque de journée organisée par l’école dans le gymnase, avec des DJs qui venaient. On écoutait de la la pop comme Cyndi Lauper et on était comme des malades à l’idée de pouvoir emballer une meuf ou de faire une démo. C’était nos premiers slows et on vivait la montée en puissance du hip-hop. On faisait les premiers mouvements de danse, de break. On avait des K-way et on regardait des films comme « Beat Street » ou encore « Breakdance ». Pas un hip-hop lascars ou politisé, c’était un hip-hop festif.

T’arrives à Paris en 1987 à l’âge de 16 ans et tu fais tes premières dates au Queens. Tu peux nous décrire ce qu’était le Queens en 94?

La boite du Queens a ouvert en 92, donc elle est encore relativement récente. Elle commençait à trouver sa vitesse de croisière. C’était une boite gay. Et ça l’est toujours je pense. Ca fait très longtemps que j’y suis pas allé. A l’époque, c’était vraiment LA boite gay ouverte tout le temps. Les samedis eux étaient plus mélangés et ça fermait tard, aux alentours de 9h du mat. Ce qui était au final assez courant à Paris. Ca restait ouvert parce que ça bougeait. Les gens sortaient quoi ! Débarquer à 3h du matin, c’était être pile dans l’oeil du cyclone. La fosse ressemblait à une mer de gens qui dansaient. Des putains de mecs torses nus partout. C’était vraiment intense. Un endroit vibrant. Un peu trash, un peu classe en même temps avec de gros carrés VIP. Un carré VIP qui en a rien à foutre et une fosse de danse qui donne tout. On s’en plaignait à l’époque mais y’avait cette diversité qui était au final sympa. Des clubs qu’on ne voit plus trop aujourd’hui.

Et Musicalement ? 

C’était au Rex et au Queens rex que ça se passait. Mais le Rex était moins fun, plus intello. On y retrouvait le côté techno et festif mais rien à voir avec le Queen, qui était bien plus trash. On commençait à faire venir des DJ guests à Paris à cette époque-là. David Guetta était le premier directeur artistique de cette boite. Et moi j’ai bossé pour David un petit peu quand j’était étudiant. Je mettais des flyers dans des enveloppes pour des opérations de mailings intensifs.

T’as rencontré David là-bas ou tu le connaissais avant ?

Non, je le connaissais de la boite Folie’s Pigalle en fait. Il faisait une très bonne soirée là-bas qui s’appelait  « Jean Pierre et Samantha ». Avec lui aux platines. Et c’était un excellent DJ. Vraiment, c’était super. Plus éclectique musicalement que la norme. Il pouvait te jouer de la house, un peu d’acid jazz et du hip-hop pour finir. Comme il venait de cette scène, il scratchait pendant son set et tout. Balèze le mec. C’était au départ un mec vraiment sympathique.

Par exemple, parfois on nous refusait l’entrée. Et David nous faisait des signes du fond. Il nous mimait « Faites le tour !». Il nous faisait rentrer par une petite porte dans la rue et on arrivait par la scène. C’était vraiment un mec cool et on a sympathisé. On était une bande d’amis et il nous a proposé de venir l’aider pour l’organisation de soirées. Mettre des flyers pour 50 francs de l’heure, c’était pas mal pour un étudiant. On venait dans au Queens l’après midi et on bossait. C’est là où j’ai connu Kathy qui nous a fait bosser sur Les Bains Douches après. Et David venait nous voir de temps en temps pour nous demander des conseils sur les DJ à inviter. Un dj guest  faisait venir que 10-15 personnes en plus. Des mecs comme nous qui savaient qui était David Morales. C’était surtout la classe en fait.

 Revenons au temps présent. Tu es à l’initiative de la soirée Mona. Comment tu décrirais Mona à un néophyte ?

Déjà, ça a beaucoup évolué avec le temps. Au départ, c’est un soirée house qui veut accueillir la difference. Un mélange social et sexuel. Même si nos soirées sont en majeure partie hétéro, il y a toujours ce liant gay qui donne un peu de folie. Et depuis trois ans, on se nourrit de l’énergie de la danse pour évoluer. La danse est une énergie importante dans le clubbing. Elle permet d’exprimer une énergie positive et de montrer aux gens qui viennent en club pour picoler ou se défoncer qu’il y a d’autres façons de faire la fete. Au début, on donnait des cours de danse gratuit. C’est une façon de faire rentrer la danse chez les gens qui sont non-danseurs. On leur apprend les bases pour qu’ensuite ils puissent bouger. Après on a constaté qu’on était assez proche du voguing. Et c’est à ce moment là qu’on a eu l’idée du ball, revisité à la sauce Mona. Les soirs de Mona à la Java, une trentaine de personnes participent en début de soirée à un concours de voguing ou de waacking. Et ça lance notre soirée de la meilleure des façons possible parce que tout ceux qui regardent n’ont qu’une seule envie, de danser.

Vous posez donc vos valises à la Concrete ce vendredi. Tu prends ça comme une reconnaissance ou tu t’en fiches complètement ?

Je dirai que c’est pas anodin. C’est même important. Je suis très fier de pouvoir apporter l’énergie de Mona à Concrete. Quand Brice m’a parlé de ça, je me suis rendu compte que nous partagions la même vision de la danse. Il veut développer ce coté-là pour les mêmes raisons que nous. Pour moi, si on peut faire équipe cette fois-ci, et peut-être d’autres fois à venir, alors go ! Et c’est génial de pouvoir le faire à Concrete car oui, nous toucherons des publics que nous n’aurions jamais pu toucher sans eux. Pouvoir propager la puissance de la danse et cet esprit différent de faire la fête, ça me touche beaucoup. C’est une très belle opportunité qui nous est offerte et j’en suis très reconnaissant.

Wassyl Abdoun

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Event: Concrete / Les 6 ans de Mona

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